Éthique du care, féminité(s) et engagement envers le terrain en géographie

Ethics of care, femininity(ies) and commitment to fieldwork in geography

Eugénie Le Bigot
〉Lecturer en géographie 〉Falmouth University (UK)
〉Laboratoire ESO-Caen 〉Université de Caen Normandie

〉eugenie.lebigot@unicaen.fr 〉

〉Article long 〉

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Résumé :

Cet article explore la relation entre une chercheuse, son terrain de recherche et les personnes enquêtées en géographie, plus particulièrement sous une perspective de géographie féministe et de géographie du corps. A travers une étude comparative entre Caen, Rouen et Portsmouth (GB) issue d’un travail de thèse, cet article met en lumière comment les expériences personnelles sur et hors du terrain influencent la construction des questions de recherche et la relation de proximité envers les enquêtées.

Cette recherche se base sur une méthodologie participative, impliquant des cartes participatives, des observations systématiques, et des entretiens compréhensifs. Cette approche a permis de créer une relation de proximité et de care avec les enquêtées, en valorisant leur vécu et leur participation active dans le processus de recherche.

La méthodologie, structurée en trois phases, a permis de renforcer cette proximité et de développer une éthique du care, en faisant des enquêtées des actrices centrales dans la réflexion sur l’aménagement des espaces publics. L’article s’inscrit dans une épistémologie du care, soulignant l’importance de l’engagement éthique et empathique du chercheur. Il s’agit ainsi de mettre en avant l’importance de l’engagement corporel du ou de la chercheur.se sur le terrain dans le cadre de la production des savoirs.

Mots clés : engagement ; corps ; terrain ; recherche participative ; féminité(s) 

Abstract:

This article explores the relationship between a researcher, her fieldwork and the people surveyed in geography, more specifically from the perspective of feminist geography and the geography of the body. Through a comparative study between Caen, Rouen and Portsmouth (UK) based on a thesis, this article highlights how personal experiences in and out of the field influence the construction of research questions and the relationship of proximity with respondents.

The research is based on a participatory methodology involving participatory mapping, systematic observation and comprehensive interviews. This approach made it possible to create a close and caring relationship with the respondents, by valuing their experiences and their active participation in the research process.

The methodology, structured in three phases, made it possible to reinforce this closeness and to develop an ethic of care, by making the respondents central players in the reflection on the planning of public spaces. The article is part of an epistemology of care, emphasising the importance of the researcher’s ethical and empathic commitment. The aim is to highlight the importance of the researcher’s corporeal involvement in the field as part of the production of knowledge.

Keywords: commitment; body; fieldwork; participatory research; femininity(ies)

La façon dont le ou la chercheur·e perçoit et vit le terrain est primordiale dans le rapport à la production du savoir et dans l’élaboration de la recherche en géographie. Les questions de recherche sont ainsi construites et nourries par la pratique du terrain et la relation aux enquêté.e.s. Aller au terrain (Luxembourg & Noûs 2022), c’est bien s’engager dans un sujet de recherche pleinement et corporellement – dans une rhétorique constante entre corps et esprit – (Hall, 2022 ; Longhurst & Johnston, 2014). En effet, comme de nombreuses géographes et ethnographes ont déjà pu l’écrire, le corps du chercheur ou de la chercheuse constitue en lui-même une entrée primordiale du travail de terrain, un point d’ancrage(Longhurst 1995 ; Hopwood 2013). Les émotions ressenties sur le terrain, le rapport de proximité ou de distance avec les enquêtées – qu’il se traduise par de l’empathie, de l’indifférence, de la peur ou de la colère par exemple –, le confort ou l’inconfort du chercheur ou de la chercheuse, sont tous vécus corporellement et sont fonction de facteurs intersectionnels constituant l’identité du chercheur ou de la chercheuse (Bondi & al., 2006 ; Volvey, 2014). Dans ce sens, aller au terrain peut également signifier l’application d’une éthique du care dans sa pratique scientifique. Ainsi, une question se pose : à partir de quel niveau d’engagement la relation avec son terrain d’étude et ses enquêtées devient-elle une relation de care, plus particulièrement dans un contexte épistémologique de géographie féministe ? Il s’agit avant tout par ce texte de faire part d’un retour sur expérience après trois années d’un travail de terrain portant sur les vécus de femmes – dans leur diversité – dans les espaces publics à Caen, Rouen et Portsmouth, et plus précisément d’une réflexion sur les raisons amenant à la construction d’une proximité et d’un rapport de care entre enquêtrice et enquêtées dans le cadre d’une recherche participative. Je discuterais donc de diverses expressions de l’éthique du care et présenterai, d’un point de vue réflexif, les différentes phases qui ont constitué mon implication au terrain, ainsi que la complémentarité de celles-ci dans le développement d’un sentiment de proximité et d’attachement. Pour ce faire, la relation entre développement méthodologique et construction d’une éthique du care dans le cadre de cette recherche sera explorée, pour ensuite détailler à l’appui d’exemples, l’implication de cette éthique dans chacune des phases de terrain et compléter ce retour sur expérience. Cette recherche s’inscrit ainsi dans une épistémologie et une méthodologie à l’intersection de la géographie féministe et radicale (Rose, 1993), de la géographie sociale (Frémont, 1999) et de la géographie du corps (Longhurst, 2001; Di Méo, 2010).

1 . Quand la méthodologie nourrit le care

Avant toute chose, je souhaiterai contextualiser cette réflexion en partageant le point d’ancrage de ma proximité avec mon sujet d’étude. Ma volonté d’étudier la place des femmes dans les espaces publics s’est révélée un jour où je menais des observations dans les espaces publics du centre-ville de Caen pour mon premier mémoire de recherche. Il faisait assez chaud et ayant prévu de mener uniquement des observations dans le centre-ville – dans lequel je me sentais très à l’aise – j’avais décidé de porter une tenue composée d’une jupe au tombé mi-cuisse et d’un débardeur. Une fois mon travail terminé dans l’hypercentre, je décide alors de continuer vers la gare, lieu particulièrement mal perçu par les habitantes de Caen, comme dans de nombreuses villes. En arrivant, un groupe d’hommes assis sur un banc à proximité se lève, et ces hommes commencent à me suivre, me traitant de « pute ». Comme beaucoup de femmes, je me suis trouvée pétrifiée, j’ai gardé mes écouteurs sur mes oreilles, prétendu ne pas les entendre et marché droit devant moi jusqu’à ce qu’ils se lassent. En réfléchissant sur le chemin du retour, j’ai été frappée par la constatation suivante : si j’avais prévu d’aller à cet endroit de la ville, j’aurais porté un pantalon. Je me suis ainsi rendu compte que si je pensais être libre dans les espaces publics, cette liberté était bien relative à l’adaptation inconsciente que j’avais de mon propre corps. Ainsi, cette adaptation que je pratiquais quotidiennement, de manière presque qu’automatique, m’est devenue intolérable, car elle représentait bien l’influence, l’invasion directe de l’espace public comme lieu de domination masculine (Coutras 1996 ; Bourdieu 1998)sur l’espace le plus privé qu’il soit : mon corps. Cette réflexion menée en marchant, alors que je n’avais jamais été aussi consciente du poids de mon propre corps dans mes pratiques quotidiennes, a constitué mon point de départ.  J’ai donc souhaité aller plus loin en me demandant : quels facteurs engendrent ainsi l’adaptation corporelle des femmes ? Peut-on les théoriser d’un point de vue intersectionnel ? 

En effet, avant de réfléchir aux différentes formes que peut prendre l’éthique du care, notamment dans la construction méthodologique d’une recherche, il convient déjà d’interroger la relation entretenue entre un·e chercheur·e, sa méthodologie et son objet de recherche. Discuter les implications de ce triptyque semble primordial, le rapport entretenu entre le ou la chercheur·e et son objet marquant le point d’ancrage du rapport d’implication et de proximité. 

« (…) il nous semble fondamental d’interroger le rapport du chercheur à son objet et de le considérer comme un rapport d’implication, non seulement intellectuelle, mais aussi pratique, qui ne peut que mettre à l’épreuve son impératif de scientificité, mais aussi son sens de la justice. » 

Morelle & Ripoll, 2009, p. 157

Ce que Ripoll et Morelle (2009) évoquent concernant l’implication du ou de la chercheur·e vis-à-vis de son terrain, par l’angle de la justice, pourrait également être considéré du point de vue du care. Considérer le rapport entretenu, en tant que chercheur·e, mais également en tant qu’individu – en prenant en compte son histoire, son genre, sa classe sociale, son corps, etc. – avec son objet d’étude, c’est-à-dire son terrain et ses enquêtées, ne veut pas dire pour autant renoncer à la rigueur scientifique, bien au contraire. Les champs de l’anthropologie et de la sociologie se sont d’ailleurs saisis depuis longtemps de ce rapport au terrain comme étant avant tout une expérience personnelle que le ou la chercheur·e se devait d’analyser, ou du moins sur laquelle une réflexivité était nécessaire (Berreman, 1962 ; Olivier de Sardan, 2000). Dans le cas de cette recherche, la rigueur scientifique s’est traduite premièrement par l’acceptation et l’analyse de mon rapport de care, ou du moins au début de mon implication vis-à-vis de l’objet d’étude en me demandant : « Pourquoi ce sujet et quelle est ma relation à celui-ci et aux enquêtées ? ». Elle s’est également reflétée dans la construction puis la mise en place d’une méthodologie précise, croisant différentes échelles et différents niveaux d’implication personnels sur le terrain, et vis-à-vis des enquêtées. C’est bien cette rigueur et cette diversité méthodologique qui peuvent permettre de passer d’un « simple » rapport d’implication entre chercheur·e, terrain d’étude et enquêté·es, à une vraie éthique du care.

Ainsi, avant de relier méthodologie et éthique du care, il est important de rappeler rapidement la définition de ce concept de care et plus précisément la définition qui sera utilisée ici. Dans cet article, le care sera considéré dans son acception la plus large telle que théorisée par Joan Tronto (1998), sans revenir en détail sur les quatre phases du care :  se soucier, prendre en charge, prendre soin de et recevoir le soin. 

« Le care peut caractériser une activité singulière ou décrire un processus. À cet égard, il n’est pas simplement une préoccupation intellectuelle, ou un trait de caractère, mais un souci porté à la vie engageant l’activité d’êtres humains dans les processus de la vie quotidienne. Le care est à la fois une pratique et une disposition. »

Tronto, 1998, p. 245

Dans la citation ci-devant, Joan Tronto laisse un champ très large à l’utilisation du concept de care. En particulier, l’idée du care comme un processus est celle qui sera développée en relation avec la construction méthodologique d’un travail de recherche. 

« Le care (la « sollicitude » et/ou le « soin ») est un mot commun profondément inscrit dans notre langage quotidien. Au niveau le plus général, la sollicitude connote une forme d’engagement. (…) Premièrement [la sollicitude] implique de tendre vers quelque chose d’autre que soi : elle n’est ni autoréférente ni autocentrée. Deuxièmement, elle suggère implicitement qu’elle va conduire à entreprendre une action. »

Tronto, 1998, p. 243

Tronto (2008) indique ici le lien entre le concept de care et le concept d’engagement. Le care est défini dans la citation ci-devant comme une forme d’engagement ou de sollicitude, mais, qui irait plus loin que le simple point d’intérêt et tendrait vers une action. Elle évoque également que le care ne serait « ni autoréférent ni autocentré ». Pourtant, cela ne veut pas dire que le point de départ de cette sollicitude ne pourrait pas être lié à un vécu ou à une expérience personnelle. Le caretel qu’il est abordé dans cet article est également à rapprocher du champ de la géographie de l’émotion (Davidson & Milligan, 2004) ainsi que de la pratique d’une recherche participative soutenue et portée par une méthodologie –  développée ci-après – tournée vers le partage d’expérience entre enquêtrice et enquêtées. Les émotions ressenties par un.e chercheur.e lors de son engagement sur le terrain et la façon dont cette relation entre chercheur.e et terrain affecte la production du savoir est souvent mise de côté mais constitue pourtant une donnée de recherche importante (Bondi, 2005 ; Volvey, 2016)

« Le corps et l’émotion se retrouvent alors impliqués par cet étayage de la pratique méthodologique sur le modèle du care. Celui-ci met, en effet, l’accent sur le fait que le care n’est pas seulement une disposition du caregiver, mais une situation relationnelle installée et modifiée par des engagements agis entre caregiver et care-receiver, et réglée par des émotions. De sorte que corps et émotions vont être conçus comme des facilitateurs de l’interdiscursivité (Parr, 2001) et utilisés comme des opérateurs pour faire procéder la parole qui concourt à la fois à la production de savoirs spatiaux situés et à l’encapacitation subjective-identitaire. »

Volvey, 2016, p. 8

Un travail de recherche est a minima le fruit de l’intérêt d’un·e chercheur·e pour un sujet, et peut ainsi s’ancrer beaucoup plus profondément dans le vécu du ou de la chercheur·e. Dans le cas du travail de recherche qui a donné lieu à cet article, l’intérêt pour le sujet des pratiques de femmes dans les espaces publics a été éveillé par un évènement marquant. Pourtant, après un long travail d’introspection, j’ai pu comprendre que mon intérêt pour ce sujet s’ancre certainement, de manière inconsciente, bien plus profondément dans mon vécu personnel, qu’il s’agisse de mon rapport au corps et à la féminité, ou encore de mon rapport aux espaces publics en général. 

Identifier les raisons menant un·e chercheur·e à travailler sur un sujet plutôt qu’un autre peut constituer plus qu’une simple anecdote, car cacher – voire se cacher – son implication peut engendrer une confusion dans l’analyse des données de l’enquête, entre son vécu personnel et celui des enquêtées. Se prêter à l’exercice de l’identification des composantes de sa subjectivité – ou du moins de certaines d’entre-elles – permet ainsi, méthodologiquement, de mieux en analyser les conséquences. L’analyse de cette subjectivité m’a menée à développer une méthodologie et une façon de vivre le travail de terrain qui a demandé une grande implication temporelle et corporelle, induisant ainsi un fort engagement et une volonté d’appliquer une éthique du care – bien que je ne l’ai pas formalisé de cette façon dans la thèse en question – vis-à-vis du terrain, et vis-à-vis des enquêtées. En effet, par la mise en place d’une recherche participative, définie ci-après, ce travail a eu pour ambition de contribuer à un changement de point de vue de la réflexion de l’aménagement des espaces publics, mais également de mettre en lumière le vécu quotidien dans les espaces publics des femmes enquêtées afin de les placer comme actrices incontournables de la construction ou reconstruction d’espaces publics. 

« L’attention portée aux espaces de la quotidienneté prend forme, en effet, dans des processus de recherche dans lesquels il ne s’agit pas de faire « sur », mais « avec ». Pour ce qui nous occupe ici, en tant qu’élaboration de méthodologies de recherches participatives, il s’agit bien d’établir un rapport éthique vis-à-vis du terrain, attentif aux procédés de recherche mis en œuvre autant qu’à leur restitution. » 

Luxembourg & Noûs, 2022, p. 189

La mise en place et l’exécution d’une recherche participative signifie donc d’aller au-delà d’une verticalité de la recherche pour tendre le plus possible vers un rapport horizontal entre chercheur·e et enquêté·es., afin de mettre en valeur la construction de la connaissance et l’avancée de la recherche scientifique comme un processus impliquants divers acteur·rices du territoire (Anadón, 2007). 

Dans la construction méthodologie de ce travail de recherche, l’ordre des méthodes utilisées a eu une influence importante sur le ressenti lié au care sur le terrain et avec les enquêtées. La méthodologie a été donc été construite en trois grandes phases :

  • Une première phase exploratoire – qui a finalement été la plus longue – pendant laquelle des cartes participatives dans chaque ville (Caen, Rouen et Portsmouth) ont été mises en place ainsi que des observations systématiques à différentes saisons dans des espaces publics sélectionnés au préalable[1] ;
  • Une seconde phase de rapprochement avec les enquêtées et avec les quartiers d’études par la rencontre d’associations de quartiers et autres structures animant les quartiers étudiés, afin de former des groupes de marcheuses d’âges variés[2] ;
  • Une troisième phase de confirmation de certaines hypothèses et d’approfondissement de questionnements liés au rapport corporel aux espaces publics – en tant que femme – qui s’est traduite par la mise en place d’entretiens compréhensifs, notamment avec des femmes rencontrées pendant les deux premières phases « d’entrée au terrain ».

Bien qu’il ait été prévu initialement que les trois phases soient bien distinctes, des facteurs extérieurs comme la crise du Covid-19 ont eu pour conséquence le chevauchement de certaines phases de terrain entre elles, notamment la phase exploratoire liée aux comptages et aux observations, très chronophage et pourtant essentielle dans le processus d’engagement envers le terrain et envers les enquêtées. Cependant, ce chevauchement de la première phase avec les phases deux et trois a permis un ancrage sur le terrain pendant quasiment toute la durée de la collecte de données. Chaque phase méthodologique a ainsi représenté différentes étapes de mon rapport aux différents terrains et aux enquêtées.


Figure 1 : Évolution méthodologique et implication envers le terrain. Autrice : Eugénie Le Bigot, 2023.

2 . Care et implication corporelle en pratique

C’est en septembre 2018 qu’a commencé la première phase de travail de terrain, dans les villes de Caen, Rouen et Portsmouth (GB) en intermittence jusqu’à l’été 2021, trois années en tout. Ce travail étant un travail de thèse, il a débuté avec ma seule implication – et celles de mes collègues et amis. Pourtant, au cours de ces années, cette recherche a mobilisé de nombreuses associations de riverain·es, l’université de Portsmouth et la métropole rouennaise pour le côté institutionnel, et plus de 800 femmes dans deux pays différents. Du point de vue de mon implication personnelle au terrain, l’observation et les comptages dans les espaces publics à eux seuls ont constitué plus de 550 heures de travail au terrain, plaçant inévitablement mon corps dans l’espace public, comme un objet de recherche parmi d’autres.  

De même que mon expérience de jeune femme expérimentant la recherche a constitué mon ancrage vis-à-vis de cette étude, ma position de femme d’une vingtaine d’années, blanche, chercheuse – et étrangère à Portsmouth – a joué un rôle important dans mon rapport de proximité et de care aux enquêtées, mais également dans mon rapport au terrain. Ma corporéité a d’ailleurs été modifiée durant la période de collecte des données, changement impulsé par la pratique du terrain intense de la première phase et la nécessité de l’usage d’un vélo, passant d’un corps en surpoids à une masse corporelle plus normée. La proximité plus ou moins importante entre les composantes de mon identité et celles de mes enquêtées n’a pas toujours joué un rôle déterminant dans la construction d’une relation de care bien que certains éléments, comme le partage d’expérience d’un corps féminin perçu comme gros dans les espaces publics, y aient parfois contribué. Même si le point d’ancrage de cette recherche partagé en début de cet article a été pour moi une expérience que j’ai qualifié ensuite d’« évènement marquant » quand des expériences similaires de harcèlement sexiste et sexuel ont été partagées par les participantes, ce n’est pas nécessairement l’échange autour de ces évènements, souvent contés à demi-mots, qui a permis une relation de care, une proximité avec les enquêtées, mais plutôt le partage d’expérience autour d’espaces vécus communs.  

L’expérience de terrain a été différente dans chacune des villes étudiées, pour diverses raisons. Tout d’abord, pour une raison de proximité physique et émotionnelle. Caen a représenté le point de départ de cette recherche parce que c’est dans cette ville que j’ai fait l’expérience des espaces publics. C’est la ville où je suis née, la ville dans laquelle j’ai passé la plus grande partie de ma vie. C’est une ville que j’ai explorée de part en part, seule, accompagnée. J’y ai malgré tout découvert de nouveaux espaces en tant que chercheuse, et surtout de nouveaux espace-temps car cette recherche m’a amenée à pratiquer des espaces publics perçus négativement par les participantes, de nuit et de manière statique. Portsmouth est la ville qui aurait pu être marqué par le plus de distance, physique bien sûr, mais aussi culturelle par exemple, étant donné qu’il s’agit d’une ville dans un pays qui m’était étranger. Pourtant, c’est bien la ville de Rouen pour laquelle j’ai ressenti le plus de distance, en partie parce que je n’y ai jamais vécu et en lien avec cela, parce qu’il a s’agit pour moi d’une façon différente d’aborder le travail de terrain. Là où j’ai considéré Caen et Portsmouth comme mes espaces d’études principaux, Rouen a été abordé comme un troisième espace de comparaison. La proximité physique relative entre Caen et Rouen n’a pas non plus joué en faveur de mon attachement à cette dernière car, pour une question de moyens financiers notamment, mon travail de terrain à Rouen a été organisé à l’avance autour de la planification de planning de terrain serrés, d’une semaine maximum. J’allais à Rouen pour le travail là où Caen, et a fortiori Portsmouth, ont été mes espaces de vie avant d’être des espaces de travail. Portsmouth est d’ailleurs certainement la ville avec laquelle j’ai le plus développé une proximité émotionnelle, c’est une ville où j’ai vécu et que j’ai découverte au travers de mes pratiques quotidiennes et de ma recherche dans le même temps. Le partenariat mis en place avec l’université de Portsmouth a joué un rôle important dans le développement de ce sentiment de proximité mais également dans la mise en place de ma méthodologie dans un pays étranger. Tout d’abord parce que cela m’a donné un point de référence, un point de chute physique et émotionnel dans la ville, mais aussi et surtout parce que cela m’a permis de me présenter aux enquêtées pas comme une chercheuse étrangère, mais comme une chercheuse rattachée à une institution locale, de proximité, dont elles reconnaissaient la légitimité[3].

Bien que je sois partie dans cette recherche de ma propre expérience, ce n’est pas celle-ci que j’ai voulu mettre en valeur, mais bien l’expérience de toutes les femmes qui se sont mobilisées, celles qui se sont saisies de cette recherche, et se la sont appropriée comme une opportunité de libérer leur parole sur leur vécu quotidien des espaces publics. Ma propre expérience n’a finalement eu d’importance que parce qu’elle entrait en résonnance avec celles des femmes enquêtées, de manière plus ou moins forte. Il ne s’agit ainsi que d’un témoignage parmi d’autres, mais qui a malgré tout apporté aux résultats une profondeur et une réflexivité propre à l’engagement personnel.  

Cette recherche a eu pour particularité de brasser un public potentiel d’enquêtées particulièrement large et diversifié : l’ensemble des femmes majeures habitant ou pratiquant les villes de Caen, Rouen et Portsmouth. Les différentes méthodes, et notamment la mise en œuvre de méthodes mixtes[4], ont été mises en place afin d’impliquer des femmes de profils divers dans la recherche, notamment par le jeu d’échelle – lieu, quartier, ville – impliquant différentes manières d’approcher les enquêtées – questionnaire en ligne, table dans la rue, associations, institutions –. Cela ne signifie pas que cette recherche ait eu l’ambition d’interroger tous les profils de femmes dans chacune de ces villes mais plutôt que des mesures ont été mises en place pour obtenir a minima une diversité de profils en terme d’âge et de profil social. Il est également important de noter que – sans compter les observations – la plus grande part des enquêtées sont les participantes des cartes participatives. Ces participantes ont pour la plupart répondu à un questionnaire en ligne leur demandant simplement de mentionner leur âge, leur profession et leur quartier d’habitation. Les questions personnelles pour cette méthode sont restées très brèves afin de ne pas décourager de potentielles participantes de faire part d’une expérience vécue dans les espaces publics. Pour la majorité, ces participantes me sont donc restées inconnues. Les cartes participatives ont donc permis de brosser un premier portrait des villes selon des ressentis ponctuels – les plus fort, positif ou négatif – des habitantes. Les questionnaires délivrés en personne dans la rue ou dans des espaces associatifs ont servi à diversifier les profils sociaux et les profils d’âges – principalement à inclure des femmes âgées, résidant dans des quartiers de classe populaire ou au contraire des femmes âgées aisées –, mais aussi à intégrer des femmes racisées et en situation de handicap par exemple. Les enquêtées ayant à faire un choix parmi les lieux qu’elles préféraient ou détestaient, ces cartes brossent un premier tableau du vécu des habitantes, un tableau laissant place à l’expression d’un grand nombre de femmes, mais qui sacrifie en contrepartie les nuances inhérentes aux vécus quotidiens[5]. En même temps que des enquêtées, des femmes anonymes, me faisaient part de leur vécu dans les espaces publics, je faisais moi-même l’expérience de ces espaces en tant que chercheuse, mais aussi en tant que femme, souvent seule, parfois accompagnée, et à des horaires variés du jour et de la nuit afin de mener à bien la phase d’observation et de comptages. Là où la méthodologie a pu laisser place à la construction d’une éthique du care dans le rapport au terrain, c’est bien par l’avancée de ces deux méthodes de manière concomitante. En effet, afin d’alimenter la carte participative au fur et à mesure il a fallu vérifier le questionnaire qui servait à l’alimenter afin qu’elle puisse être modérée et anonymisée. Au fil du temps, les commentaires ne relevaient plus tant d’expériences abstraites de femmes inconnues habitant des villes qui ne faisaient pas partie de mon espace vécu, mais bien de représentations concrètes, qui entraient en résonnance avec ma propre pratique de ces villes. 

Figure 2 : « Commercial Road », Portsmouth, 22h30, hiver 2019, Eugénie Le Bigot

La photographie et les citations ci-devant illustrent ainsi ce chevauchement de mon vécu personnel sur le terrain et du vécu que les enquêtées partageaient par le biais de la carte participative. « Commercial Road », l’artère principale du centre-ville de Portsmouth, est l’un des lieux perçus comme le plus désagréable par les enquêtées dans une ville qui autrement était perçue particulièrement positivement. C’est aussi un des espaces d’observation où je me suis sentie le plus mal à l’aise, notamment de nuit, bien qu’aucun homme ne m’y ait jamais abordé, contrairement à d’autres lieux d’observation. Dans cette rue, la nuit, c’est bien l’addition de plusieurs facteurs comme la structuration en « couloir », l’absence de commerces nocturnes, le silence ponctué de bruits de plus forte intensité évoquant la présence de groupes d’hommes (Gilow & Lannoy, 2017; Stark & Meschik, 2018; Le Bigot, 2022) qui crée un sentiment de malaise, plus de que l’expérience d’une agression. 

Les marches exploratoires comparatives lors de la deuxième phase de travail de terrain ont permis, du point de vue de l’expérience du care, de sortir d’un cumul de vécus divers et très ponctuels – un point sur la carte participative étant égal à une expérience d’une femme – pour aller vers une expérience jointe des espaces publics avec un groupe d’enquêtées. Il ne s’agissait plus de vivre les espaces publics chacune de notre côté, mais d’en faire l’expérience ensemble. Un rapprochement entre chercheuse et enquêtées des différents quartiers étudiés a ainsi pu se construire, que ce soit par la marche elle-même ou bien par la prise de contact avec les diverses associations de quartier, les centres socioculturels, voire les églises dans le cas de Portsmouth.

Lors de la troisième et dernière phase de terrain, la phase de vérification et d’approfondissement, il a s’agit de retirer mon expérience corporelle de l’équation de recherche, pour laisser place à une introspection guidée des enquêtées par entretien. Le choix de mener des entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2011) n’a pas été anodin. Cette méthode, couplée à celle des cartes mentales, a permis de guider les enquêtées au cours de notre échange, sans les braquer ou les enfermer dans un carcan méthodologique strict. La méthode de l’entretien compréhensif permet ainsi d’encourager la personne enquêtée à exprimer son point de vue, à se dévoiler, sans exprimer de jugement, mais sans se positionner comme une entité neutre pour autant. Moins que de faussement altérer son point de vue et son éthique personnelle afin d’encourager son interlocuteur, il est plutôt question ici de mettre de côté tout jugement personnel et de comprendre le point de vue de l’enquêté.e, même s’il n’est pas partagé par l’enquêteur.ice. Dans les faits, certains discours d’enquêtées sont entrés en conflit avec ma position politique et/ou mes croyances personnelles. Je pense notamment à des enquêtées qui tenaient des propos racistes, xénophobes, ou sexistes. Cette différence de principes a certainement engendré inconsciemment une distance plus importante avec certaines enquêtées plutôt qu’avec d’autres, mais cela n’a pas pour autant écarté un rapport de care, du fait de la construction méthodologique expliquée plus haut d’une part et du fait de la variété de thématiques abordées lors de l’entretien[6] d’autre part.

En débutant l’entretien par une carte mentale, l’enquêtée est ainsi encouragée à prendre la direction de l’échange. Il s’agissait pour elles de partager leurs trajets quotidiens et leur rapport aux espaces publics, d’abord en décrivant leur quotidien et leurs différents moyens de mobilité – à pied, en vélo, en transports en commun, en voiture, etc. – pour petit à petit arriver à la question de la perception de leur corps dans les espaces publics et à leur perception de la féminité. Pour nombre d’entre-elles, plus particulièrement pour les enquêtées les plus jeunes, ce cheminement lors de l’entretien et la comparaison entre leur idéal d’apparence corporelle et la façon dont elles mettaient en scène leur corps dans les espaces publics les ont amenées à la même réalisation que celle que j’avais pu avoir quelques années plus tôt : elles n’étaient pas libres d’être elles-mêmes dans les espaces publics et recouraient quasiment systématiquement, plus ou moins consciemment, à des stratégies corporelles d’adaptation aux espaces traversés, même pour celles qui n’avaient jamais fait l’expérience d’un « évènement marquant ». Les femmes plus âgées avaient quant à elles soit déjà fait l’expérience de cette réalisation, soit l’usage de stratégies corporelles se déchiffrait en filigrane de leur discours. 

La diversité méthodologique permise notamment par la mise en place d’une recherche par méthode mixte (Turcotte, 2016), a ainsi engendré le croisement et l’échange d’expérience entre enquêtées et enquêtrice pendant chaque phase de terrain.

3 . S’engager et se désengager

L’implication corporelle du chercheur ou de la chercheuse sur le terrain, bien qu’inévitable – notre apparence, notre corps, notre genre, classe, race, sexualité, etc. interviennent nécessairement dans notre rapport à l’autre et donc dans notre rapport à l’espace –, peut être vécue de manière plus ou moins intense. Comme le développe Hall (2014) quand elle évoque le sujet de faire de « l’anthropologie chez soi » il est primordial de penser la question du désengagement du chercheur ou de la chercheuse en parallèle avec la question de l’engagement sur le terrain. Penser le désengagement vis-à-vis d’un terrain de recherche qui nous est familier, ou d’un sujet qui nous concerne en tant que personne au-delà de notre statut de chercheur·e, est un sujet qui n’a pas été développé dans cette méthodologie de recherche, et qui m’a frappée de plein fouet entre les différentes phases de terrain. M’impliquer, impliquer mon corps sur le terrain a signifié dans le cadre de cette recherche la mise en place de stratégies corporelles me permettant de : me déplacer plus vite – à vélo –, de passer « inaperçue » – vêtements amples et de couleur terne –, mais aussi de m’intégrer selon le quartier d’étude dans lequel je me rendais et les enquêtées que j’allais rencontrer, afin de ne pas les mettre mal à l’aise – dans la mesure du possible, ne pouvant modifier mes caractéristiques physiques fondamentales – part l’image, le statut social que pouvait renvoyer mon corps. En particulier lors des phases d’observations et de comptages, le fait d’être une femme statique dans les espaces publics a entraîné une sorte de routine de harcèlement de rue, m’obligeant à réfléchir aux façons de passer le plus imperceptible, afin de mener à bien cette phase de la méthodologie[7]. Ce camouflage constant de mon propre corps sur le terrain a entraîné un sentiment de rébellion au sortir des phases de terrain, me poussant à porter des vêtements qui à mon sens étaient très féminins, très colorés – très voyants finalement – et à les brandir presque dans les espaces publics et dans les couloirs de l’université en même temps qu’une attitude corporelle qui correspondait à la bold walk théorisée par Koskela (1997). 

Ce poids du travail de terrain, même s’il aurait pu être pensé en amont, m’a finalement permis de faire preuve d’un engagement fort et de développer une proximité envers mes enquêtées. Bien que le harcèlement de rue, et de manière générale l’anxiété ressentie à l’égard de certains horaires ou de certaines formes urbaines ne m’était pas inconnu (Koskela & Pain 2000 ; Lieber 2008; Gilow & Lannoy, 2017), il s’agissait pour moi d’expériences disséminées au cours du temps. Cette méthodologie m’a fait vivre ces situations de harcèlement et ce sentiment d’anxiété dans chacune de mes villes d’études, de manière concentrée. Ainsi, lors de discussions informelles avec des enquêtées, lors des marches exploratoires et lors des entretiens, un lien a pu se former plus rapidement, et ce avec des femmes d’âges variés. Il ne s’agissait pas d’un rapport vertical entre enquêtrice et enquêtée, mais plutôt d’un rapport horizontal entre deux femmes ayant vécu la pression masculine, la domination masculine dans les espaces publics, le male gaze, et l’anxiété, de manière différente bien sûr, mais tristement semblable (Glapka 2018). Bien que les jeunes femmes soient plus visées par le harcèlement sexiste et sexuel (Lebugle & Virage 2017), certaines enquêtées de plus de 65 ans avaient été marquées par des comportements de ce type en étant plus jeune. Par ailleurs, la question de la confrontation de son corps, en tant que femme, aux regards de l’autre dans les espaces publics va plus loin que la question du harcèlement sexiste et sexuel. Même si mon expérience était différente de celle d’une enquêtée racisée de 40 ans mère d’un enfant ou d’une enquêtée anglaise de 80 ans en fauteuil roulant, toutes mettaient en place des stratégies genrées dans les espaces publics, plus ou moins importantes, portant sur des plan différents – l’habillement, le mode de mobilité, les horaires etc. – et de manière plus ou moins consciente. Les lieux dont mes enquêtées parlaient, en bien ou en mal, je les avais vécus également, et de cela a pu naître un échange, et de cet échange a pu naître un lien. Sans cet engagement personnel fort sur le terrain lors de la première phase méthodologique de cette recherche, les échanges avec les enquêtées lors des entretiens n’auraient pas été les mêmes. Le fait d’être une femme – ou du moins de me reconnaître en tant que telle – et d’avoir partagé une partie de mon vécu avec mes enquêtées a permis que, pour la plupart, celles-ci se sentent assez à l’aise pour partager leur vie quotidienne dans les espaces publics, mais également leur rapport au corps et à leur propre féminité. Bien que celui-ci ait été souvent différent du mien, le rapport de care et de proximité a été nourrit, non pas uniquement par la similarité des ressenti et des vécus mais de manière plus substantielle par la relation horizontale d’échange de vécus. D’ailleurs, les entretiens les plus difficiles à mener ont été avec des enquêtées qui ont perçu la relation d’enquêtrice à enquêtée comme verticale et étaient intimidées par la situation d’entretien. 

Dans le cas de cette recherche, la construction méthodologique a ainsi nourri le rapport de care de nombreuses façons. Tout d’abord, par la volonté de faire de la recherche avec les femmes des villes étudiées, et non pas sur ces femmes (Luxembourg & Messaoudi, 2016) qui a résulté par la mise en place d’une méthodologie participative, à défaut d’avoir réussi à construire une recherche-action, par manque d’intérêt de la part de la municipalité de certaines villes étudiées. Ensuite, par l’évolution progressive dans la méthodologie d’une implication corporelle – et donc personnelle – forte, premièrement vécue en parallèle de celle des enquêtées, puis de moins en moins présente pour ne devenir qu’un écho du vécu de plus en plus détaillé et personnel partagé par les enquêtées dans les seconde et troisième phases de terrain (voir figure 1). Enfin, l’éthique du care s’est également traduite dans cette méthodologie par la volonté que l’implication de ces femmes ne soit pas vaine, et que cette recherche puisse mettre en lumière la valeur de leurs vécus, la valeur des connaissances pratiques et émotionnelles qu’elles développent par leurs expériences quotidiennes de la ville, dans l’aménagement ou le réaménagement des espaces publics de manière générale et par la prise en compte d’un ensemble de facteurs comme système de construction du confort ou de l’inconfort de femmes dans les espaces publics. 

Références bibliographiques :

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[1] L’âge moyen des participantes pour cette méthode était de 35 ans.

[2] Les marcheuses avaient de 24 à 74 ans, la moyenne d’âge était de 45 ans. Les profils de femmes étaient également diversifiés en termes de race, particulièrement à Rouen. Certaines femmes ayant des problèmes de mobilité n’ont marché qu’une partie du trajet où n’ont participé qu’à la phase de débat et de restitution.

[3] L’université de Portsmouth a énormément grandi ces dernières années et construit abondement dans le centre-ville de Portsmouth. Elle organise également de nombreux évènements en relation avec la mairie et des panneaux publicitaires montrant ses actions peuvent être vus partout en ville. Les étudiants sont également nombreux et constituent une portion importante de la démographie de la ville.

[4] Le terme de méthodes mixtes renvoie à l’utilisation jointes de méthodes quantitatives et qualitatives dans la même recherche, mais pas uniquement. Il s’agit également de relier les deux types de méthodes entre-elles dans les résultats, de les utiliser comme complémentaires ou synergétiques (Turcotte 2016).

[5] Liens vers les cartes participatives des trois villes : 

Caen : https://umap.openstreetmap.fr/en/map/les-femmes-dans-lespace-public-caennais_178507#13/49.1845/-0.3698

Portsmouth : https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/women-in-portsmouths-public-spaces_248988#13/50.8184/-1.0681

Rouen : https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/les-femmes-dans-lespace-public-rouennais_183841#13/49.4489/1.0928

[6] Les entretiens étaient constitués de cinq grandes sections : la mise en place d’une carte mentale ; la mobilité de l’enquêtée ; les lieux pratiqués ; la perception de l’aménagement ; et enfin une réflexion autour du corps et de la notion de féminité.

[7] Une méthodologie de comptage étant couplée avec celle de l’observation pour cette étude, une fois que j’ai pu observer le caractère quasiment systématique du comportement des hommes à mon égard, en particulier dans certains espaces de passage, ou dans des lieux où quasiment aucune femme ne s’arrêtait, j’ai dû réfléchir à des façons d’éviter ces interactions afin de pouvoir me concentrer sur les comptages et sur une observation non participante. En effet, ces comptages demandaient une grande concentration, car il s’agissait de détailler les passants, et notamment le corps des passantes avec une cinquantaine de critères. 

Pour citer cet article :

LE BIGOT Eugénie « Éthique du care, féminité(s) et engagement envers le terrain en géographie », 2 | 2024 – Le care : une notion des proximité(s) ?, GéoProximitéS, URL :https:// geoproximites.fr/ark:/84480/2024/06/01/ care-al2/