The double invisibilization of the care accomplished by women in post climatic disaster situations : the example of the Roya valley.
Anouk Migeon
〉Doctorante en géographie et architecture
〉UR Pléiade 〉 Université Sorbonne Paris Nord 〉 ADEME
〉Architecte et dessinatrice 〉 co-fondatrice de l’Atelier Rural en Roya
〉anouk.migeon@gmail.com 〉
〉Article long 〉
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Photographie en tête d’article : Affichage du mercredi 7 octobre 2020 du café-restaurant Lou Pountin à Saorge dans les Alpes-maritimes françaises après la tempête Alex du 02/03 octobre 2020. Equipe à majorité de femmes et une personne genderfluid. © Migeon, A., 7 octobre 2020
Résumé : Suite à une catastrophe dite naturelle (causée ou non par l’humain), le concept de care (Tronto, 2008, 2012) est concret car les activités de care deviennent la préoccupation principale de toutes et tous pour assurer les besoins vitaux des populations et de leur environnement immédiat. Le care étant majoritairement réalisé de manière assignée ou contrainte par les femmes dans la société (Nurock & Parizeau, 2022), la contribution s’intéresse à comment ces activités lors d’une catastrophe climatique où une démocratie spontanée de care se met en place sont visibilités ou non lorsqu’elles sont réalisées par toustes et sur un territoire large. Dans le contexte d’augmentation et d’aggravation des risques, des vulnérabilités et des catastrophes climatiques (GIEC, 2023) il est admis que les femmes seront de plus en plus vulnérables (European Parliament, 2012 ; CESE, 2023 ; Centre for Gender and Disaster, 2021 ; ONU, 2002, & 2009). La contribution propose donc de coupler les concepts de care et de genre pour analyser et visibiliser des processus participant à renforcer, perpétuer et augmenter les inégalités de genre et la vulnérabilité des femmes sur un territoire post-catastrophe climatique.
Ma connaissance située (Haraway, 1988) d’habitante et chercheuse ayant vécu la tempête Alex (2020) dans la vallée de la Roya (06) me permet – depuis le territoire impacté – d’interroger la reconnaissance du rôle et de la place des femmes dans cette catastrophe climatique. Afin de mener un constat de l’invisibilisation ou non des femmes dans leur participation au care du territoire post-catastrophe, l’article analyse la visibilité médiatique puis politique des femmes et des hommes dans le temps de crise (temps court de l’urgence) et pendant la (re)construction du territoire (temps long).
La contribution ouvre sur la capacité d’action des femmes de la vallée de la Roya à proposer des pratiques collective des activités de care comme pratique contestataire et/ou subversive pour répondre à leur non prise en compte dans les politiques publiques territoriales.
Mots-clés : care, genre, vulnérabilités, femmes, ruralité, catastrophe climatique
Abstract: Following situations referred to as natural disaster (caused or not by humans), the concept of care (Tronto, 2008, 2012) is concrete because care activities become the main concern of everyone in order to ensure the vital needs of populations and of their immediate environment. In our societies, care is mainly carried out in an assigned or constrained manner by women in society (Nurock Parizeau, 2022) ; therefore the present contribution is interested in how these activities, during a climatic catastrophe where a spontaneous democracy of care is taking place, are visible or not when they are carried out by everyone and over a large territory. In the context of increasing and worsening risks, vulnerabilities and climate disasters (RE6 GIEC, 2023), it is accepted that women will be increasingly vulnerable (European Parliament, 2012 ; CESE, 2023 ; Centre for Gender and Disaster, 2021 ; ONU, 2002 & 2009). This contribution therefore proposes to combine the concepts of care and gender to analyze and make visible processes that contribute to reinforcing, perpetuating and increasing gender inequalities and the vulnerability of women in a post-climate disaster territory.
My situated knowledge (Haraway, 1988), as a resident and researcher who experienced the Alex storm (2020) in the Roya valley (06), allows me – from the impacted territory – to question the recognition of the role and place of women in this post climate catastrophe environment. In order to question the invisibilization of women in their participation in the careof the post-disaster territory, the article analyzes media sources and political visibility of women and men in times of crisis (short time of emergency ) and during the (re)construction of the territory (long term).
This contribution creates the possibility for women in the Roya valley to propose collective practices of care activities as a protest and/or subversive practices in order respond to the failure of local public policies to take them into account.
Keywords: care, gender, vulnerabilities, women, rurality, climate disaster
Le changement climatique aggrave les risques climatiques (précipitations extrêmes, vagues de chaleur, sécheresses…) engendrant une multiplication des catastrophes dites naturelles (causées ou non par l’humain) (GIEC, 2023). Toutes les populations peuvent en être victimes, mais elle frappe de façon inégale les êtres humains. Ce sont les groupes les plus vulnérables de la société, du fait de leur situation socio-économique défavorable, qui sont les plus touchés, notamment les femmes car « les catastrophes renforcent, perpétuent et augmentent les inégalités de genre, rendant ainsi les situations de crise encore plus difficiles à vivre pour les femmes. » (ONU, 2009). Il est admis que les femmes seront de plus en plus vulnérables, d’autant plus sur les territoires à hauts risques[1] (European Parliament, 2012 ; CESE, 2023 ; Centre for Gender and Disaster, 2021 ; ONU, 2002 & 2009).
1 . Proposer une lecture par le prisme du genre et du care d’un territoire post-catastrophe climatique : l’exemple de la vallée de la Roya.
Dans les Alpes-Maritimes, dans la nuit du 2 au 3 octobre 2020, la tempête Alex dévaste les vallées de la Roya, de la Vésubie et de la Tinée[2]. La vallée de la Roya est la plus paupérisée des trois vallées sinistrées (Debackere, Migeon, 2022).
Figure 01 : La vallée de la Roya : une semi-enclave française en Italie. Encre, plume et traitement informatique. © Migeon, A., 2021)
Photographie 01. Les effets de l’épisode hydro-sédimentaire majeur du 2 octobre 2020 dans le lac de Breil-sur Roya. © Migeon, A., 12 octobre 2020)
Photographie 02. Bâtiment d’habitation à Fontan détruit par les eaux de la Roya lors de la tempête Alex. © Migeon, A., 14 octobre 2020)
Photographie 03. Méandre de la Roya au pied du village de Saorge après la tempête Alex : destruction du pont d’Ambo et de la route, doublement de la largeur du lit de la Roya, destruction du couvert végétal, apport de sédiment. © Migeon, A., 3 novembre 2020).
C’est aussi la plus touchée par la tempête Alex. Ce territoire à hauts risques (séismes, sécheresse, feu) est aussi un territoire cumulant des caractéristiques géographiques, historiques et sociales spécifiques aux territoires dits en marge : une hyper-ruralité (INSEE), une population de 5725 habitant·es (INSEE, 2020) paupérisée et vieillissante souvent marginalisée par sa situation généralement précaire et à l’écart de la société, une géographie de montagne créant un obstacle à l’habitabilité du territoire et à son « contrôle », semi-enclavée entre deux frontières franco-italiennes, et c’est le dernier territoire rattaché à la France en 1947 (Traité de Paris) (Debackere & Migeon, 2022)[3].
Il parait donc important de questionner si cette catastrophe renforce, perpétue et augmente ou non les inégalités de genre et la vulnérabilité des femmes. Et si oui, quels processus y participent ?
Un nombre important de rapports, d’études et d’articles scientifiques sur la tempête Alex ont été réalisés depuis 2020 (Bianchi & al., 2021 ; Carrega & Michelot, 2021 ; Cerema, 2021 ; Groupe Urgence Réhabilitation Développement (URD), 2020). A part le travail en court de la chercheuse Emmanuela Dalmasso (2023) en sciences politiques et sociales et le projet en cours de l’URD (2023) étudiant la participation citoyenne et l’entraide en temps de catastrophe, aucun travail n’aborde la lecture de la tempête Alex par les sciences sociales. Proposer une analyse par le prisme du genre du territoire post-catastrophe de la vallée de la Roya revient à comprendre, analyser et visibiliser les types de vulnérabilitésauxquelles les femmes de la vallée de la Roya sont exposées pour pouvoir les anticiper sur d’autres territoires à hauts risques climatiques.
Le terme de vulnérabilité est concret lors d’une catastrophe dite naturelle car il y a une multitude et concentration de risques. Proposer une lecture par l’éthique du care d’un tel évènement confirme que la vulnérabilité est l’essence de notre appartenance à l’espèce humaine : recevoir le soin, se soucier d’autrui, prendre soin d’autrui et prendre en charge autrui (Tronto, 2008 & 2012). La définition du care de Joan Tronto prend une dimension encore plus concrète suite à une destruction d’un monde tel que l’a fait la tempête Alex où il y a la nécessité de le réparer : « Au niveau le plus général, nous suggérons que le care soit considéré comme une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre “monde”, de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible » (Fisher & Tronto, 1990, p.40).
Comme l’a révélé au grand public la période de la pandémie de Covid-19, ce sont les femmes qui ont le plus accompli le travail de care dans la société, que ce soit de manière assignée ou contrainte (Nurock & Parizeau, 2022). Ce sont aussi celles « qui souvent ont été les moins protégées et qui appartiennent aux groupes sociaux les plus exposés et les plus stigmatisés »[4]. La dévalorisation du travail du care « souvent aux marges de la société moderne capitaliste plutôt que près de son centre » (Tronto, 2012, p.5) entretient une invisibilisation des femmes (Duffy, 2011 ; Paperman, 2010 ; Tronto, 2012). Lors d’une catastrophe dite naturelle où la destruction impose du care par toutes et tous, y a-t-il une invisibilisation du care et des femmes ? Si oui quels en sont les processus ? En quoi cela participe ou non à incapaciter les femmes à exercer leurs droits fondamentaux ?
L’article propose un état des lieux de la fabrique du territoire post-catastrophe en période de crise (temps court de l’urgence) et de reconstruction (temps long) par le prisme du genre afin de mener un constat de l’invisibilisation ou non des femmes dans leur participation au care du territoire post-catastrophe. Le but de l’article est de visibiliser des mécanismes et obstacles incapacitant les femmes ou non à exercer leurs droits fondamentaux : la reconnaissance de leur rôle et de leur place dans les efforts post-tempête et de leur expression politique dans la fabrique du territoire post-catastrophe.
Pour illustrer la visibilisation des genres en période post-catastrophe, je choisis d’interroger la représentation médiatique puis participante des femmes sur ce territoire post-catastrophe, en m’appuyant sur une méthodologie hybride. La première partie analyse la visibilité médiatique de la place et du rôle des femmes et des hommes dans le temps de crise de la tempête Alex. Cette période avoisine deux mois après l’événement. Grâce à une méthodologie visuelle, je propose un constat sur comment ont été représentés auprès du grand public le rôle et la place des femmes sur le temps de crise. Quel effets ? Quels leviers ? La deuxième partie s’intéresse à la participation et à la visibilisation politique des femmes et des hommes à la (re)construction du territoire post-tempête Alex. Cette période est toujours en cours en 2024. Cette partie s’attache à faire une analyse numéraire et genrée des projets territoriaux déposés par les habitantes et habitants dans le cadre de la concertation citoyenne en 2022 sur l’Avenir des Vallées organisée par la Préfecture des Alpes-Maritimes[5]. Quel constat ? Quel effets ?
2 . La période de crise de la tempête Alex : compter la présence des femmes dans les iconographies des médias
Les photographies de la tempête Alex ont été nombreuses et un moyen très rapide pour communiquer sur cet événement. L’effet spectaculaire de la destruction des paysages marque les esprits dans l’ère de la consommation d’images et d’informations quotidienne. La première partie propose d’étudier les photographies des médias « car elles façonnent de manière significative nos pensées et nos actions, reflétant et influençant les structures et les systèmes sociétaux. (Les médias) ont un pouvoir sur notre compréhension du genre, y compris les normes, les rôles et les stéréotypes »[6]. Patrizia Faccioli propose de comprendre les implications d’user de méthodologies visuelles en sociologie pour révéler les relations sociales médiatisées par les images qui jouent « un rôle central dans la construction de la vie sociale et dans la construction des significations » (Faccioli, 2007). En choisissant d’étudier sur google image les photographies de la tempête Alex, il s’agit de montrer si des photographies visibles de toutes et tous véhiculent une construction sociale des rôles attribués aux femmes et aux hommes pendant la tempête. Et s’ils participent à entretenir des rapports d’inégalités femme/homme.
Dans un premier temps, je présente la méthodologie Topino (Luxembourg, 2020) permettant une analyse visuelle au prisme du genre des photographies de la catastrophe. Dans un second temps j’analyse la représentation des hommes et des femmes dans les espaces post-tempête et leurs actions. Pour conclure, je présente si les résultats construisent ou non des stéréotypes de genre[7]. Et si oui, quels sont les effets ?
Pour visibiliser des inégalités femme/homme, sans omettre l’existence de personnes genderfluid, queer et non-binaire, je nomme dans cet article femme des personnes qui semblent performer des identités féminines et homme celles qui semblent en performer des masculines. Je fais le choix de me concentrer dans cet article sur les représentations de genre pour constituer une analyse préalable. Cette analyse me permettra d’aller dans un second temps sur le terrain avec une posture féministe, à la rencontre des femmes et minorités de genre pour leur donner la parole, récolter des données qualitatives et ainsi analyser leur rôle vécu (Clair, 2016).
2.1 La méthodologie Topino (Luxembourg, 2022)
La méthode Topino[8] a été développée par Corinne Luxembourg dans le cadre d’une recherche-action du collectif Les Urbain.e.s, menée à Gennevilliers de 2014 à 2020 sur les expressions des rapports sociaux de genre dans l’espace public (2020). De façon systématique sont repérés en violet les femmes et en jaune les hommes. Cela permet visuellement de faire apparaître les majorités de fréquentation des espaces publics. La méthodologie est ensuite affinée lors d’une mission de diagnostic genré effectuée pour la Ville de Paris en 2021 au parc paysager et sportif Suzanne Lenglen et en 2022 lors d’une résidence de recherche-action pluridisciplinaire (Brunet, Luxembourg & Migeon, 2022) sur l’analyse au prisme du genre d’un espace public et sportif en ruralité. En plus de la visibilité genrée, apparaissent « l’objet-prétexte » et « l’espace-temps » à la présence dans cet espace. L’introduction de l’usage permet de relier genre et objet-prétexte et de faire apparaître une redondance de motifs que l’on peut apparenter à des stéréotypes de genre ou au contraire à des évolutions des rôles attribués. Enfin, l’introduction de la donnée temporelle (toutes les 15 minutes, 5 minutes, minute) permet de voir l’évolution genrée de l’espace dans le temps et d’établir ses processus (pic de fréquentation genrée, point de bascule de la représentation genrée dans l’espace).
En 2023, soit 3 ans après la tempête Alex, il a été effectué sur internet la recherche sur google des images associées à l’expression « tempête Alex ». La première page de résultat propose des photographies des effets de la catastrophe.
Figure 2 : Recherche de « tempête Alex » sur Google Images. © Migeon, A., 2023
Sur les 27 photographies, il n’y a pas la présence de personne humaine. Sur l’ensemble des photographies, il y a 14 bâtiments d’habitation partiellement détruits ou en situation de danger imminent (glissement de terrain).
Dans la suite du déroulé des photographies, les premières images avec des humains représentent des personnes apparentées comme homme. La recherche a ensuite été poursuivie en cliquant sur les images présentant une présence humaine jusqu’à avoir une majorité d’images avec des humains. La méthode Topino qui consiste à visibiliser les rapports de genre dans l’espace public en appliquant des masques de couleur sur les personnes identifiées comme femmes ou comme hommes a été appliquée sur ces images
Figure 03 : Recherche de « tempête Alex » sur Google Images et application de la méthodologie Topino (Luxembourg, C, 2022), consistant à appliquer des masques de couleur sur les personnes identifiées comme femmes ou comme hommes et permettre visuellement de faire apparaître les majorités. © Migeon, A., 2023).
Analyse de la Figure 03 : une présence majoritaire des hommes
Les majorités :
- Les trente-six photographies émanent des médias (institutionnels, radios et presses)[9]. Il y en a quatre en double.Il y a 263 personnes identifiées, dont la grande majorité sont apparentées comme homme (235) et ils se trouvent tous dans un environnement extérieur. Les activités des hommes sont : le secours à la personne, le portage des dons, l’attente et la prise de parole en public. Les raisons de la présence des hommes sont : un hélicoptère, un chargement de denrées, l’attente pour effectuer une tâche ou un rassemblement politique.
Les minorités :
- Les femmes présentes sur les photographies analysées sont minoritaires (28) et ont en majorité les mêmes activités et actions que les hommes. Aucune photographie ne présente une majorité de femmes. Treize photographies ne comptent pas de femmes. La majorité des photographies où il n’y a pas de femme sont : un rassemblement politique (6), le portage d’objet (5) et l’attente d’une tâche à effectuer (2).
Les spécificités :
- Trois photographies montrent en leur centre la présence d’une ou plusieurs femmes :Une première présente une femme encadrée par deux hommes qui l’aide à se déplacer. Une seconde présente une draisine chargée avec à son bord des personnes travaillant pour la SNCF. Le centre de la photographie est une femme assise entourée de onze hommes dont cinq sont debout autour d’elle et un homme à terre s’adresse à elle en lui désignant du doigt quelque chose. La troisième est la photographie avec le plus de femmes (7). Elle montre un rassemblement autour du Président Emmanuel Macron. Il y a en son centre cinq femmes dont en premier plan un contact physique entre une femme et le Président.Sur cinq photographies de rencontres politiques dans l’espace public il y a la présence d’une seule femme pour six à quatorze hommes. L’analyse de la proportion de représentation des femmes sur les trois planches de photographies révèle que plus il y a la présence du Président Emmanuel Macron, moins il y a de femmes (<11%).
La suite de a méthodologie consiste à comprendre où sont représentée majoritairement les femmes. Il a été ajouté à la recherche le mot « femme » à « tempête Alex ». Et la recherche internet a été poursuivie en cliquant sur des photographies présentant des femmes jusqu’à ce que les personnes apparentées comme femmes soient en majorité sur une page google.
Figure 04 : Recherche de « tempête Alex » et « femme » sur Google Images poursuivie jusqu’à ce que les personnes apparentées comme femmes soient représentées en majorité. Et application de la méthodologie Topino (Luxembourg, C, 2022), consistant à appliquer des masques de couleur sur les personnes identifiées comme femmes ou comme hommes et permettre visuellement de faire apparaître les majorités. © Migeon, A., 2023).
Analyse de la Figure 04 : trouver la présence majoritaire des femmes
Les majorités :
- Les trente-neuf photographies émanent des médias (institutionnels, radios et presses). Il y en a huit en double.Il y a 108 personnes identifiées, dont la grande majorité sont apparentées comme femme (76) et elles se trouvent en majorité dans un environnement intérieur (64 en intérieur, 12 en extérieur). Les activités des femmes sont : préparer à manger pour d’autres, trier, ranger et distribuer les dons et denrées, porter conseil auprès d’autres personnes et travailler sur un ordinateur.La raison de la présence des femmes est le care.Cinq photographies présentent une majorité d’hommes ou garçons.
Les minorités :
- Les hommes présents sur les photographies analysées sont minoritaires (32) et ont en majorité les mêmes activités et actions que les femmes. Aucune photographie ne représente l’action de portage des dons. Aucune photographie ne représente de rencontre politique.
Les spécificités :
- Onze enfants et jeunes personnes (10 garçons, 1 fille) sont présents sur les photographies, et une photographie représente une classe d’école vide. Les espaces intérieurs où sont présentes les femmes sont le gymnase de Breil-sur-Roya, une salle de sport, la salle du temps libre à Tende, une ancienne salle SNCF, etc. Ce sont des espaces recevant du public appartenant aux communes ou privés.La photographie présentant le plus de femmes (6) montre deux hommes en premiers plan transportant des fleurs. Les six femmes sont de dos en second plan. Il s’agit d’une action proposée par une association du Vaucluse pour « embellir » de fleurs la vallée. Seize photographies ont en premier ou arrière-plan des donations ou produits alimentaires. Dont huit où les femmes sont de petite échelle dans l’espace.
2.2 Résultats
Les premiers résultats de la recherche sur Google Images de « tempête Alex » montrent des photographies spectaculaires (Figure 02) et proposent une large échelle territoriale allant au-delà du territoire impacté (littoral, vue du ciel). Les seconds résultats montrent la présence des hommes dans l’espace public lors de l’événement (Figure 03). Ils ont des activités de care et de prise de parole qui sont valorisées par leur représentation médiatique auprès du grand public. La troisième série de résultats révèle la présence des femmes lors de la tempête Alex (Figure 04). Elles sont majoritairement dans des espaces intérieurs et réalisent des activités de care semblables à celles des hommes dans l’espace public. Les résultats montrent un rapport d’échelle territoriale decrescendo : l’échelle territoriale pour la représentation de l’évènement de la catastrophe, l’échelle de l’espace public pour la représentation des hommes, et l’échelle de l’espace intérieur pour celle des femmes.
L’analyse des images montre que les activités du care post-tempête sont réalisées par une majorité d‘hommes dans l’espace public extérieur et se prolongent dans l’espace public et semi-public intérieur et sont réalisés par une majorité de femmes.
Les iconographies des médias construisent la représentation qu’en cas de catastrophe dite naturelle les hommes sont plus présents dans l’espace public que les femmes. Sur internet, il a fallu chercher la présence des femmes et leur rôle dans la tempête Alex. Cela révèle une représentation convoquant des stéréotypes de genre par la dévalorisation politique et sociale que l’on associe à la place et au rôle des femmes dans une réponse post-catastrophe.
Je note aussi que le stéréotype de la force assignée au genre masculin pour porter les dons, denrées et les personnes à secourir valorise l’activité de care des hommes dans l’espace extérieur. Les femmes restent majoritairement dans l’espace public intérieur où elles doivent aussi user de la force pour transporter, ranger et secourir des personnes. Mais cette activité n’est ni représentée ni valorisée comme telle dans les photographies des médias de la tempête Alex.
Bien que la tempête Alex ait eu lieu en même temps que le deuxième confinement, qui avait été un révélateur de l’importance des activités de care, il y a un processus d’invisibilisation des femmes dans les activités d’urgence post-tempête. Les représentations des médias participent à la construction des rôles attribués aux femmes en période de crise et à l’assignement – contraint, subi ou choisi – des femmes à réaliser ces taches majoritairement dans des espaces intérieurs publics et à l’échelle du territoire pour trier, ranger et distribuer les dons, préparer à manger et nettoyer, aider les personnes vulnérables, etc. Cette construction de stéréotype de genre influence les rôles et places des hommes et des femmes pour les prochaines situations de crises climatiques.
Ces résultats sont en adéquation avec le rapport de Céline Calvez sur la « place des femmes dans les médias en temps de crise »[10] du Covid-19 (2020) remis aux ministres de la Culture et chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes : il y a une aggravation de la sous-représentation des femmes et de leur représentation dans les contenus dans les médias audiovisuels et une prédominance écrasante des personnalités homme. Ce rapport fait des préconisations : la première est de compter la présence des femmes (dans le contenu, dans les organisations médiatiques, etc), pour ensuite analyser leur place et la présence de stéréotypes de genre, sexistes et sexuels et ensuite accompagner les médias à améliorer la place des femmes.
Les résultats mettent en évidence que c’est dans les iconographies médiatiques représentant des débats politiques post-crise que sont sous représenté, voir non-représenté les femmes. Cette invisibilisation médiatique est-elle représentative de la participation des femmes à la reconstruction du territoire de la vallée de la Roya ?
3 . La période de reconstruction post-tempête Alex : compter le présence des femmes dans la (re)construction du territoire.
Aux lendemains de la tempête Alex, un espace politique se met en place en urgence et le préfet Xavier Pelletier est nommé à la reconstruction des vallées. En parallèle, la mobilisation de la société civile est spectaculaire, comme force d’action, de soutien et de proposition. La vitalité associative des habitantes et habitants de la vallée de la Roya témoigne du souhait de faire entendre des revendications locales, issues du terrain, et d’être impliqués dans les perspectives de reconstruction de la vallée (Debackere, Migeon, 2022). Plusieurs initiatives de la société civile (Remontons la Roya, Emmaüs Roya, Fondation Abbé Pierre[11], Comité de Soutien des Voies de Communication de la Vallée de la Roya, collectif ResSource, etc) proposent dès 2020 de mener des réflexions participatives pour une reconstruction prenant en compte l’expertise habitante.
C’est seulement en janvier 2022 que l’Etat lance une concertation citoyenne auprès des habitantes, habitants et maires des trois vallées sinistrées « afin de réfléchir collectivement à l’avenir de ces territoires au-delà de la seule reconstruction »[12]. Cette concertation est organisée par la Préfecture des Alpes-Maritimes[13] grâce à la création de la Mission Interministérielle de la Reconstruction des Vallées (MIRV). Elle s’articule en deux temps parallèles. En premier il s’agit de la mise en place de la plateforme internet de consultation Purpoz proposant notamment une consultation sur les enjeux du territoire et un appel à projets invitant les habitante.es et collectivités à proposer des projets « pour autant qu’ils aillent dans le sens de l’intérêt collectif » (Préfet délégué chargé de la reconstruction des vallées, 2022). Les résultats de cette consultation en ligne alimentent dans un second temps les ateliers prospectifs menés avec les habitant.es et maires (par vallée puis inter-vallées). L’Etat annonce « le financement des projets sélectionnés grâce à une enveloppe exceptionnelle de 50 millions d’euros qui sera complétée par des contributions des collectivités territoriales et de l’Union européenne pour atteindre un potentiel de financement de 100 millions d’euros »[14].
Sur le total de 173 projets déposés sur la plateforme Purpoz pour les trois vallées, la vallée de la Roya en comptabilise 143. Cette disparité confirme la vitalité de la société civile de la vallée de la Roya et/ou l’intérêt pour l’annonce de l’enveloppe exceptionnelle pour relancer cette vallée déjà paupérisée. En tout cas, les personnes se projettent. Mais est-il possible de se projeter toutes et tous de la même manière sur un territoire à hauts risques ?
La deuxième partie de l’article s’intéresse à la place des femmes dans la fabrique du territoire post-tempête Alex à travers l’analyse numéraire et genrée des projets territoriaux déposés par les habitantes et habitants sur la plateforme Purpoz dans le cadre de la concertation citoyenne sur l’Avenir des Vallées[15].
3.1 Méthodologie : compter les femmes
Compter le nombre de projets déposés par des personnes apparentées comme homme ou femme revient à constater s’il y a une égalité femme/homme dans la représentation, la participation et l’accessibilité à la plateforme Purpoz. Le but de cette méthodologie est de visibiliser des inégalités de représentation de genre et d’expliquer quels sont les processus pour les réduire (quota par genre, discrimination positive, politique sensible au genre, communication prenant en compte les femmes, etc.). Les données analysées sont issus du rapport sur la synthèse des contributions de la plateforme Purpoz réalisé par la Direction interministérielle de la transformation publique[16] et par une enquête auprès des dépositaires des projets facilitée par ma connaissance située du terrain en tant qu’habitante et professionnelle (Haraway, 1988).
Analyse : compter les femmes
Sur l’ensemble des projets déposés pour la vallée de la Roya sur Purpoz, 58% des projets sont déposés par des hommes, 33% par des femmes et 9% n’ont pas de données disponibles. Les projets sont portés à 58% à titre individuel (personnel ou professionnel) et à 34% par un collectif (association, entreprise, collectif de personne). Les femmes répondent majoritairement en collectif (23%) et les hommes à titre individuel (48%).
(Graphique 01. Représentation genrée des projets déposés sur la plateforme Purpoz (Mission interministérielle à la reconstruction des vallées, 2022) pour la vallée de la Roya. © Migeon, A., 2023)
Graphique 02 : Représentation genrée des projets déposés à titre individuel et collectif sur la plateforme Purpoz (Mission interministérielle à la reconstruction des vallées, 2022) pour la vallée de la Roya. © Migeon, A., 2023)
La suite de l’analyse cherche à trouver où sont représentées majoritairement les femmes. Le rapport interministériel répartit les projets en quatre grandes thématiques : « préserver les équilibres environnementaux », « développer l’activité économique », « bien vivre dans les vallées », et « valoriser l’identité des vallées ». Le pourcentage le plus important de projets (42%) portés par des femmes et collectifs à majorité de femmes s’inscrivent dans la thématique « bien vivre dans les vallées ». Cette catégorie porte sur la prise de soin des habitantes et habitants de la vallée, ce qui relève du care.
Graphique 03 : Représentation genrée des projets déposés sur la plateforme Purpoz (Mission interministérielle à la reconstruction des vallées, 2022) dans les quatre grandes thématiques : « préserver les équilibres environnementaux », « développer l’activité économique », « bien vivre dans les vallées », et « valoriser l’identité des vallées », pour la vallée de la Roya. © Migeon, A., 2023)
Cette catégorie regroupe six sous-parties : « Développer et renforcer une filière de santé bien-être », « Éducation et jeunesse », “Citoyenneté, lien social… », « Diversifier les modes de déplacement », « Repenser le logement ancien » et « Favoriser l’installation des familles ». Les femmes ont proposé le plus grand nombre de projets (5) dans la sous-catégorie « Citoyenneté, lien social… », puis (4) dans « Développer et renforcer une filière de santé bien-être » et dans « Éducation et jeunesse. » Elles sont dans les deux premières sous-catégories plus représentées que les hommes et ont une légère tendance à répondre plus en collectif (55%) qu’à titre individuel (45%). Elles ne sont plus représentées dans les sous-catégories sur le logement et la mobilité. Les hommes ont, quant à eux, proposé des projets dans chaque sous-catégorie et sont majoritaires dans 4 sous-catégories sur 6.
Graphique 4 : Vallée de la Roya : représentation genrée des projets déposés sur la plateforme Purpoz (Mission interministérielle à la reconstruction des vallées, 2022) dans la catégorie « Bien vivre dans les vallées ». © Migeon, A., 2023)
Sur l’ensemble des 143 projets, 34 ont une dimension plus large que la vallée de la Roya et proposent d’inclure les trois vallées sinistrées (Tinée, Vésubie, Roya, et Moyen Var). Les hommes ont participé à 74% pour seulement 21% de projets portés par des femmes. Les projets portés à titre individuel représentent 89%, dont 68% portés par des hommes et 21% portés par des femmes. Il y a 6% de projets portés par un collectif à majorité d’hommes. Les femmes n’ont pas porté collectivement des projets répondant à une échelle inter-valléenne. (Graphique 05. Vallées de la Tinée, Vésubie, Roya, et du Moyen Var : représentation genrée des projets déposés à titre individuel et collectif sur la plateforme Purpoz (Mission interministérielle à la reconstruction des vallées, 2022). © Migeon, A., 2023)
3.2 Résultats
La grande majorité des projets proposés sont produits par des hommes à titre individuel pour répondre au sens de l’intérêt collectif. Les nombre de projets déposés par des femmes est réduit (33%) et elles proposent majoritairement des projets collectifs pour répondre à l’intérêt collectif. Les femmes sont plus représentées dans les catégories et sous-catégories de projets correspondant au care des habitant·es et au bien vivre ensemble. Les femmes portent en majorité collectivement ces projets qui visent à la prise de soin de ses habitant.es. Au-delà du territoire local de la vallée de la Roya, les projets sont déposés par une grande majorité d’hommes (74%) et sont portés à titre individuel (68%). Les femmes ayant participé sont minoritaires et l’ont fait uniquement à titre individuel (21%).
Les femmes sont donc sous-représentées dans leur participation à l’appel à contribution pour la reconstruction territoriale de « l’avenir des vallées ». Les résultats révèlent que les femmes proposent majoritairement des projets locaux et collectifs pour répondre à l’intérêt collectif, et que leurs projets proposent des activités de care pour les habitant·es.
La participation majoritaire des hommes à titre individuel sur la plateforme Purpoz confirme que la fabrique du territoire est faite par et pour les hommes (Raibaud, 2015). La faible proportion de femmes à déposer des projets confirme leur non prise en compte et leur inaccessibilité aux politiques territoriales post-tempête. Cela a pour effet d’entretenir une invisibilisation des femmes dans les projets de reconstruction.
4. Conclusion et ouverture : existe-t-il des formes de résistances collectives des femmes de la vallée de la Roya dans le champ du care ?
En situation de catastrophe naturelle où il y a la destruction d’un monde, les activités de care deviennent la préoccupation principale de toutes et tous pour assurer les besoins vitaux des populations et de leur environnement immédiat. Les premiers jours après la tempête, coupé du reste du monde, les habitant·es s’organisent dans la réponse émotionnelle et politique de la catastrophe : une démocratie spontanée du care se met en place.
En visibilisant les activités de care réalisées par les hommes et en invisibilisant celles réalisées par les femmes, les images de la tempête Alex recueillies sur google images constituent et participent à une construction sociale des stéréotypes de genre dans la représentation auprès du grand public du rôle des femmes et des hommes dans l’espace public post-crise (urgence). Ces stéréotypes de genre invisibilisent le care réalisé par les femmes et renforcent leur assignement aux espaces intérieurs publics. Ces résultats sont en adéquation avec les conclusions des recherches récentes sur le care (Luxembourg, 2020 ; Nurock & Parizeau, 2022 ; Paperman, 2010 ; Tronto, 2012). La différence notable est que dans la temporalité d’urgence de la tempête Alex les activités de care sont sorties de la sphère domestique en étant projetées dans l’espace public et qu’elles ont été réalisées par des hommes. Ces derniers sont devenus les pourvoyeurs de care visibilisés et valorisés par les stéréotypes de genre construits par leur représentation médiatique auprès du grand public. Le care des hommes a été « héroïcisé » par son caractère exceptionnel de la crise.
Les médias, en plus de participer à la construction de stéréotypes de genres sur le rôle des femmes dans la société (Bamberger, 2012), aggravent et renforcent l’invisibilisation des femmes en temps de crise. Ces stéréotypes de genre, ajoutés aux inégalités hommes/femmes systémiques, limitent la capacité des femmes à développer et exercer leurs compétences, et limite le rôle, la place et la participation des femmes pour répondre aux prochaines crises climatiques. Ceci peut expliquer en partie la non-représentativité des femmes dans les projets de reconstruction de la vallée de la Roya déposés sur la plateforme de la concertation citoyenne Purpoz[17]. Au vu de l’augmentation des crises à venir (GIEC, 2023), il semble primordiale d’opérer une visibilisation des femmes dans les médias afin de ne pas augmenter les inégalités de genre et ne pas vulnérabiliser les femmes.
La non-représentation des projets portés par des femmes à une échelle territoriale plus large que la vallée de la Roya peut révéler des discriminations de genre liées à la mobilité : les femmes se déplacent moins d’un territoire à un autre et se cantonnent ainsi à l’échelle locale. Leurs trajets au quotidien sont généralement plus courts, dans un périmètre proche de l’habitat et plus nombreux (Rivière, 2023). Effectivement, ce sont notamment les dispositions sociales qui vont permettre aux individus d’envisager une mobilité intra ou extra territoriale (Amsellem-Mainguy, 2019). Il serait intéressant de questionner si cela a un impact sur la capacité des femmes à proposer des projets territoriaux au-delà du territoire local. Et si les femmes se sentent plus à même de proposer des projets par rapport à un territoire local où elles sont sûres d’avoir des connaissances sensibles et vécues.
La tempête Alex renforce, perpétue et augmente les inégalités de genre et la vulnérabilité des femmes du territoire et au-delà. Elaine Enarson, spécialiste des risques au prisme du genre, explique que les capacités des femmes à anticiper, survivre et répondre aux risques sont limitées par « leur incapacité à exercer leurs droits fondamentaux, leur insécurité économique, la non reconnaissance du droit à la propriété des terres, les restrictions à leur autonomie et à leur expression politique » (ONU, 2002). Et le sixième rapport d’évaluation du GIEC (2022, 2023) classe au rang de « confiance elevée » les actions intégrant « les inégalités telles que celles fondées sur le genre, l’origine ethnique, le handicap, l’âge, le lieu et le revenu ». Elles seraient les plus à même de réduire les risques et vulnérabilités climatiques[18]. Toutefois si ce constat peut être partagé par de nombreuses institutions (CESE, 2023), illustré par le déploiement de politiques publiques transversales répondant au gender mainstreaming, il est peu suivi d’effets lors des actions de reconstruction. Selon l’OCDE (2020) et le CESE (2023), le principal obstacle à la mise en œuvre d’une approche tenant compte du genre est l’incapacité des autorités publiques compétentes à intégrer une telle approche et à tenir compte des problématiques de genre dans l’aménagement du territoire. Le cas de la tempête Alex ne fait pas exception sur ce point : le genre n’est pas intégré à la reconstruction territoriale. Comment les femmes de la vallée de la Roya, sans actions significatives des politiques territoriales, font face à leur vulnérabilité climatique ?
De plus, l’épisode de la tempête Alex se déroule dans un contexte national d’une triple prise de conscience collective et citoyenne : celle des inégalités de classes sociales, ancienne, mais réactivée notamment par les conséquences de la crise sanitaire ; celle de l’appropriation citoyenne des questions du climat, illustrée par différentes manifestations portées par une population jeune et très féminine (Sénac, 2021) ; et enfin celle du mouvement #MeToo, participant à poser les inégalités de genre au même rang que les autres rapports sociaux d’inégalités. La non prise en compte des femmes dans les politiques publiques territoriales et l’émergence conjoncturelle de ces trois éléments permettent-elles aux habitantes de la vallée de la Roya de porter un regard particulier sur les effets de la catastrophe et questionner leur capacité d’action et d’adaptation aux changements climatiques ?
Les résultats de l’analyse genrée des projets Purpoz ont mis en lumière l’appétence des femmes à privilégier le collectif dans leur proposition de projet de reconstruction. Cela peut être une manière, en se regroupant, d’accéder à une voix commune proposant plus de force et permettant une solidarité entre elles (mise en commun du temps et des compétences). Être en collectif peut aussi pallier des discriminations systémiques et de genre (moins de temps libre que les hommes, revenus inférieurs, inégalité de temps de parole et de représentation dans l’espace public et au travail, etc.).
Cela peut aussi être en partie expliqué par les caractéristiques spatiales des cinq villages de la vallée. Les villages médiévaux de la Roya ont la particularité d’être en partie ou totalité piéton, très denses et laissant l’espace de la nature pour l’agriculture en restanque. Les espaces publics sont propices à ce que les femmes se regroupent en collectif car la pratique déambulatoire d’un espace public piéton favorise la formation de l’interaction sociale (Pruvost, 2021). Il serait intéressant de comprendre si la pratique déambulatoire de l’espace public propre à chaque village à une incidence sur la participation genrée des publics lors de la crise post-catastrophe.
Les sociologues Elsa Galerant et Danièle Kergoat affirment que l’émancipation des femmes pour lutter contre l’oppression, l’exploitation et la domination doit passer par le collectif (Galerant, Kergoat, 2008). Elles notent que « c’est à partir du moment où l’on récuse politiquement la disjonction des deux sphères d’activité dites productive et reproductive (…), à partir du moment enfin où l’on s’intéresse aux rapports que les femmes entretiennent au travail, qu’une pratique contestataire et subversive devient repérable ». Elles ajoutent que l’émancipation s’opère quand s’instaure un rapport collectif (c’est-à-dire politique) au travail, le travail étant pris comme un tout (travail productif et reproductif) ».
Sachant qu’une pratique collective des activités de care peut être une pratique contestataire et/ou subversive pour l’émancipation des femmes, il serait ainsi intéressant d’interroger ces formes de mise en collectif d’initiatives portées par des femmes dans la vallée de la Roya. L’observation participante[19] réalisée au préalable de ma recherche suggèrent plusieurs phénomènes. Pré et post-tempête Alex, des dizaines d’initiatives citoyennes, associatives ou professionnelles sont portées par des collectifs de femmes ou à majorité de femmes sur le territoire de la vallée de la Roya[20]. Il semble intéressant de comprendre s’il existe auprès des femmes de la vallée une propension à travailler en collectif. Et si oui, si le phénomène de la tempête l’a amplifié ou non.
Existe t-il des formes de résistances collectives des femmes de la vallée de la Roya ? Je fais partie et j’observe que des femmes se regroupent en non-mixité choisie dans des espaces privés, publics, sur des réseaux sociaux, en petit groupe ou plus largement. Elles se revendiquent féministes ou non. Elles parlent de leur place sur le territoire, du sexisme ordinaire, des stéréotypes de genre et des violences sexistes, psychologiques et physiques dont elles sont victimes, du souhait de porter le sujet dans l’espace public, et de la peur d’être mises à l’écart socialement et vulnérabilisées dans leur quotidien (économique, administratif, social). Ces femmes revendiquent ou non ces espaces de transformation et d’apprentissage entre elles comme espace d’émancipation. Certaines souhaitent porter l’initiative d’une transition territoriale incluant la réduction des inégalités femmes/hommes et questionnent la place des femmes dans l’espace rural de la vallée de la Roya.
Étant architecte, j’observe aussi que des femmes, seules ou se regroupant, bâtissent leur habitat ou souhaitent pouvoir le faire.
Figure 5 : Dessin à l’encre, plume et traitement informatique d’après des photographies échangées sur un groupe Watshapp organisé pour un chantier participatif pour l’habitat d’une femme dans la montagne de la vallée de la Roya. © Migeon, A., 2023).
Certaines me demandent des conseils. Elles se réunissent en réseau informel, échangent dans les espaces publics, par les réseaux sociaux ou lors d’événements. Des femmes ont expérimenté la construction en non-mixité choisie. Une femme a organisé un chantier pour la charpente d’une bâtisse avec un réseau européen de femmes bâtisseuses. D’autres s’entraident entre femmes ou en mixité pour des chantiers d’habitat en montagne ou dans les centres bourgs. Le phénomène des femmes bâtisseuses est un prolongement d’une (re)prise du pouvoir sur leur vie, leur territoire et leur village. Ces initiatives sont à appréhender comme pratiques collectives des activités de care et de subsistance (Pruvost, 2021 ; Mies & Shiva, 1993 ; Bennholdt & Mies, 2022), notamment par le biais de leur caractère subversif.
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[1] ADEME, 2023. Dossier. Des inégalités de genre creusées par le dérèglement climatique. [en ligne]. France : ADEME Magazine [Consulté le 22 février 2024]. Disponible sur : https://infos.ademe.fr/article-magazine/des-inegalites-de-genre-creusees-par-le-dereglement-climatique/
[2] Cette « bombe climatique » est due à l’arrivée simultanée du réchauffement de la température de la Méditerranée, de la remontée d’air chaud provenant du sud et d’une masse d’air froid et humide venant de l’est. Les précipitations exceptionnelles sont très localisées et ont atteint les 550mm/m2. Elles sont arrivées sur des sols sec durcis par la sécheresse provoquant un ruissellement arrachant les sédiments et les arbres du massif du Mercantour. Des laves torrentielles se forment composées à 80% de sédiments et 20% d’eau et dévalent vers les fonds de vallées. (Fouache et al., 2023)
[3] Les effets de l’épisode hydro-sédimentaire engendrent un bilan humain et socio-économique très lourd. La première des conséquences est la perte de six vies humaines et des impacts psychologiques sur les populations. La seconde conséquence est l’importance des dégâts sur les paysages, les voies de communication, les équipements publics et les bâtiments et biens privés. En montagne, les éboulements, les ravinements et les glissements de terrain laissent des plaies béantes. Dans les cours d’eau, les laves torrentielles arrachent la végétation où les apports de sédiments, les déchets et les embâcles laissent place à un paysage minéral (Photographie 01). Une quarantaine de bâtiments, d’équipements publics et des dizaines de maisons sont totalement détruits, gravement endommagés ou rendus inhabitables (Photographie 02). Des dizaines de ponts sont détruits, 35 kilomètres de routes sont endommagés, 120 brèches sont béantes (Photographie 03), et le viaduc de sortie du tunnel de Tende reliant la vallée de la Roya au Piémont italien est totalement détruit. La vallée de la Roya devient un cul-de-sac. La Région Sud PACA estime à un milliard d’euros l’ensemble des travaux de reconstruction des infrastructures essentielles dans les trois vallées. La troisième conséquence de la tempête est l’impact économique et social sur les populations locales. Il en résulte une fragilisation du tissu économique (perte d’exploitation, dommages matériels, limitation des approvisionnements et de l’accessibilité, etc.) et une précarisation accrue des habitant.es due à une mobilité entravée et enclavée (professionnelle, scolaire, médicale, de lien social, etc.). Janvier 2021 marque le départ de 400 personnes à Tende et des dizaines à Breil-sur-Roya, c’est le départ définitif de nombreuses familles majoritairement actives.
[4] Résistances, actions collectives et pouvoir(s) dans les relations de « care » », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 16 septembre 2020, https://calenda.org/801016
[5] Avec le soutien de la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du Ministre délégué en charge des Relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
[6] UNESCO. (sans date). L’égalité des genres et les médias. [Consulté le 22 février 2024]. Disponible sur : https://www.unesco.org/fr/gender-equality/media-gender-equality
[7] Nations Unies, (sans date). Stéréotypes liés au genre. Le HCDH, les droits des femmes et l’égalité des genres [en ligne]. www.ohchr.org. [Consulté le 12 octobre 2023]. Disponible sur : https://www.ohchr.org/fr/women/gender-stereotyping
[8] Développée par Corinne Luxembourg, l’origine de cette méthode vient de la production artistique du peintre Gérard Fromanger, principalement dans les séries Annoncez la couleur et Hommage à François Topino-Lebrun. Ce sont La mort de Caïus Gracchus et La vie et la mort du peuple (1975 et 1977) qui servent de point de départ à la réflexion. Gérard Fromanger propose une interprétation cartographiée et légendée de l’oeuvre peinte par Topino-Lebrun avec 13 cartouches, de couleurs et de gradation différente établissant des correspondances entre les intervenants dans le processus de condamnation et de mise à mort de Caïus Gracchus et de Topino-Lebrun. Les acteurs sont spatialisés et anonymisés par des masques de couleurs, de sorte que cela donne à voir le système politique et les rapports de domination plutôt que les individus agissants. Le second tableau, est présenté en regard et présente une scène de la vie parisienne des années 1970 où les individus sont masqués et cartographiés selon la même légende que dans le tableau précédent.
[9] Treize photographies proviennent d’un groupement de 633 photographes (229 femmes – 434 hommes) réalisant des reportages pour les médias français et internationaux. Disponible sur : https://hanslucas.com/
[10] Ministère chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discrimination, 2020. Rapport. Place des femmes dans les médias en temps de crise. [Consulté le 22 février 2024]. Disponible sur : https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/place-des-femmes-dans-les-medias-en-temps-de-crise
[11] C’est à cet effet que je réalise avec Charlotte Debackere pour la Fondation Abbé Pierre et Emmaüs Roya « Le Journal du débord : manuel pour comprendre la vallée de la Roya post-tempête Alex » (2022). Soucieux de la participation des habitants et des pouvoirs locaux dans les prises de décisions pour la reconstruction de la vallée, le manuel présente une vue d’ensemble du territoire en situation de crise. Le regard proposé se veut informatif et neutre afin que chacune et chacun puisse s’en emparer. Il est conçu pour créer une base de ressources pour les habitants, pouvoirs locaux et organisations souhaitant s’investir dans la reconstruction de la vallée. Deux journées d’ateliers participatifs avec des habitant.es et acteurices du territoires sont organisées. Un second manuel fait état des propositions émanant de ces ateliers et d’entretiens qualitatifs auprès de la société civile (Debackere, 2022).
[12] Préfecture des Alpes-Maritimes, (2023). Avenir des vallées – Résultats de la concertation citoyenne. [Consulté le 27 février 2024]. Disponible sur : https://www.alpes-maritimes.gouv.fr/Services-de-l-Etat/Prefecture-et-sous-prefectures/Mission-interministerielle-a-la-reconstruction-des-vallees/Reconstruction-des-vallees-sinistrees/Avenir-des-vallees-Resultats-de-la-concertation-citoyenne
[13] Avec le soutien de la Ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du Ministre délégué en charge des Relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
[14] Préfet délégué chargé de la reconstruction des vallées. (2022). Concertation sur l’avenir des vallées dans les Alpes-Maritimes. [Consulté le 27 février 2024]. Disponible sur : https://purpoz.com/project/avenir-des-vallees/presentation/presentation
[15] Mission interministérielle à la reconstruction des vallées [en ligne], (2022). Avenir des vallées – Résultats de la concertation citoyenne. Accueil – Les services de l’État dans les Alpes-Maritimes. [Consulté le 13 octobre 2023]. Disponible sur : https://www.alpes-maritimes.gouv.fr/Services-de-l-Etat/Prefecture-et-sous-prefectures/Mission-interministerielle-a-la-reconstruction-des-vallees/Reconstruction-des-vallees-sinistrees/Avenir-des-vallees-Resultats-de-la-concertation-citoyenne
[16] Direction interministérielle de la transformation publique. (2022). Synthèse de la consultation en ligne. Concertation sur l’avenir des vallées. Préfecture 06. [Consulté le 17 mars 2023] Disponible sur : www.alpes-maritimes.gouv.fr
[17] Plateforme internet proposant aux citoyennes et citoyens de déposer des projets territoriaux « pour autant qu’ils aillent dans le sens de l’intérêt collectif » sur l’Avenir des Vallées. Elle est mise en place en 2022 en même temps que la concertation citoyenne sur l’Avenir des Vallées. Cette concertation est organisée par la Préfecture des Alpes-Maritimes grâce à la création de la Mission Interministérielle de la Reconstruction des Vallées (MIRV).
[18] GIEC. (2022). AR6 WGII SPM, C.5.6, p. 28. « Vulnerabilities and climate risks are often reduced through carefully designed and implemented laws, policies, processes, and interventions that address context specific inequities such as based on gender, ethnicity, disability, age, location and income. »
[19] Je vis et travaille depuis 2019 dans la vallée de la Roya dans les Alpes-Maritimes françaises et j’y ai vécu la catastrophe naturelle de 2020. Je suis une femme architecte (Labroille, Lapeyre, 2023), ma pratique architecturale est dite matricielle pour une implication citoyenne (Chiappero, 2017) et je suis à présent doctorante en études de genre en géographie et architecture au sein du laboratoire PLEIADE de la Sorbonne Nord. Je participe à la vie citoyenne via mon statut d’habitante, de professionnelle de la fabrique du territoire et je le vis par le prisme de mon genre. Ma posture est dite située et féministe. (Harraway, 1988)
[20] Exemples non exhaustifs d’initiatives portées par des collectifs de femmes ou à majorité de femmes : Conservatoire des Châtaignes (Maucorps, A.-M. (s. d.). Comment cette association veut faire rayonner la châtaigne de la Côte d’Azur en France et en Europe. Nice-Matin. https://www.nicematin.com/economie/un-hameau-de-tende-porte-haut-la-chataigne-881649) ; Sognu (Rousselot, A. (s. d.). Sognu : un parcours bien-être dans la Roya pour les demandeurs d’emploi. Nice-Matin. https://www.nicematin.com/emploi/sognu-un-parcours-bien-etre-dans-la-roya-pour-les-demandeurs-d-emploi-792273) ; Atelier Rural en Roya (Les Grands Prix 2023 de la Fondation des Femmes. https://fondationdesfemmes.org/actualites/les-grands-prix-2023-de-la-fondation-des-femmes/) ; Le Jardin Rocambole (Le jardin Rocambole – Pépinière biologique et semences dans la Roya. https://www.jardin-rocambole-roya.com/), Association d’entretien des jardins du Monastère de Saorge, centre des monuments nationaux (https://www.monastere-saorge.fr/) ; etc.
Pour citer cet article :
MIGEON Anouk « La double invisibilisation du care réalisé par les femmes en situation de post-catastrophe climatique : l’exemple de la vallée de la Roya. », 2 | 2024 – Le care : une notion des proximité(s) ?, GéoProximitéS, URL : https://geoproximites.fr/ ark:/84480/2024/06/01/care-al8/