Proximity on show
Sylvie Coupleux
〉Maîtresse de conférences en Géographie
〉UR Textes & Culture
〉Université d’Artois
Nicolas Lebrun
〉Maître de conférences HDR en Géographie
〉UR 4287 Habiter le Monde (UPJV), Université de Picardie Jules Verne
〉Université d’Artois 〉
Télécharger l'introduction. 4-2024 Coupleux & Lebrun
Mesurée par la distance, la proximité peut être recherchée ou rejetée ; elle revêt une dimension positive ou négative propre aux représentations et aux interactions qu’elle est susceptible de générer (Torre, 2009). Que le référentiel de distance soit métrique ou non, la proximité comporte une dimension géographique dès lors qu’elle a des implications spatiales (Lebrun, 2022).
Ces représentations sont de différents ordres. Elles ont une incidence sur la mesure mais pas uniquement, il s’agit tant d’étudier comment est représentée la proximité, comment nous nous représentons la proximité, voire comment la mise en scène de la proximité est représentation instrumentalisée d’autre chose. Nous nous intéresserons donc à la représentation mentale et à la représentation matérielle de la proximité. A distinguer de la perception qui relève des sens, la représentation mentale individuelle ou collective, image d’un objet, d’un état se forge dans un contexte socialement construit qu’il est toujours intéressant d’analyser.
Comment nous représentons-nous la proximité, comment se construit-elle ? Comment représentons-nous la proximité ? Par quels outils ? Proximité et représentations invitent à penser le voisinage : par exemple, celui qui procure un sentiment d’appartenance ou celui qui dérange, illustrant le fait que la proximité ne soit pas toujours recherchée. Les champs à explorer sont multiples : le milieu scolaire, le logement, la nature en ville…
Les modes de représentation, graphiques, iconographiques ou descriptifs, sont eux aussi très divers, qu’ils servent aux chercheurs de matériaux d’évaluation ou à chacun de mode d’expression, ils sont construits. Comment saisir les représentations pour comprendre la proximité ?
Pour répondre à ces objectifs, les auteur.e.s ont abordé les liens entre représentations et proximité de différentes manières.
Les cinq premiers articles envisagent la représentation comme expression graphique et cartographique.
Dans le premier article, Mathias Boquet et Nicolas Dorkel jouent sur la polysémie du terme représentation en confrontant le sentiment de proximité à la frontière et les représentations graphiques et cartographiques de cette proximité. Françoise Bahoken avance des propositions méthodologiques pour faire face à la surcharge graphique ou effet spaghetti généré par la représentation cartographique de la proximité. Ensuite, Frédéric Roulier explique les grands principes de la méthode de la morphométrie géométrique pour représenter la proximité cognitive sous la forme d’une carte factorielle, s’appuyant sur l’exemple du centre-ville d’Amiens. Thibault Carcano, quant à lui, essaie de voir comment l’intégration de la sémiologie de la BD à la sémiologie graphique permet de mieux représenter les proximités micro-géographiques. Enfin, Clément Marinos met en perspective les proximités physiques et réticulaires. Il prend l’exemple des nomades numériques à Bali et de leurs représentations par les outils de l’IA.
Les quatre articles suivants interrogent la terminologie liée à la proximité
Josepha Milazzo fait une riche proposition épistémologique pour appréhender la complexité des approches spatiales de l’intimité. Nicolas Lebrun nous invite lui aussi à une réflexion épistémologique pour réhabiliter la proximité trop souvent envisagée comme une forme de mobilité affaiblie. Il propose le binôme proximité/proxibilité en complémentarité du binôme motilité/mobilité proposé par Vincent Kaufmann il y a 25 ans. D’ailleurs, dans l’article suivant, ce même Vincent Kaufmann revient, avec Luc Gwiazdzinski, sur cette nécessité de repenser les liens entre mobilité, distance et proximité. Enfin, Joffrey Paillard propose les notions d’in·hospitalité interstitielle et d’in·hospitalité de proximité pour mieux comprendre les configurations spatiales liées aux dispositifs de design urbain hostiles, participant à la micro exclusion dans l’espace public.
Cinq articles ensuite nous invitent à voir comment vivre avec nos représentations de la proximité.
Tout d’abord, Guy Di Méo produit un modèle théorique de représentations de l’espace vécu centrées sur l’Individu. Ce modèle intègre les rapports affectifs et mémoriels de chacun au territoire. Sara Escudero Rubio interroge les pratiques de sociabilité en milieu rural des habitants intermittents. Elle montre les modalités de construction de la proximité sociale en contexte de proximité spatiale discontinue. Partant du constat de spécificités dans les pratiques électorales, dans le Bassin Minier du Nord-Pas-de Calais, Dorian Maillard aborde sur la base d’entretiens, les représentations que se font les habitants de leur espace de proximité. L’article de Caroline Benedetto et du collectif hors-champ vise par le prisme de la linguistique à identifier les proximités sémantiques liées aux représentations des sanatoriums. En étudiant le comportement des animaux errants dans l’espace public urbain des Suds, Noé Parot interroge la proximité entretenue par ces derniers avec les populations humaines.
Les quatre articles suivants nous rappellent que proximité-représentation est aussi un binôme qui peut être institutionnalisé.
A partir de l’analyse des Cahiers citoyens, Laurence Jolivet, Catherine Dominguès, Matilde Monnier et Sabine Ploux interrogent les représentations de la proximité à l’éolien et de son impact paysager et sonore sur le quotidien des habitants. Patrice Diatta nous montre en quoi la proximité départementale est un élément politico-administratif en perpétuelle redéfinition et recomposition. Manger « local » en restauration scolaire peut prendre des formes très variables dans lesquelles la distance est un critère parmi d’autres, c’est ce que démontre Morgane Esnault dans son article. Guillaume Carrouet interroge la proximité à travers la représentation que se font les usagers et les acteurs du ferroviaire en Occitanie, afin d’adapter l’offre de transport (TGV, train de nuit…) selon les référentiels de distance opérants.
Enfin les deux derniers articles abordent les liens entre proximité et représentations dans l’éducation.
Xavier Leroux examine la difficulté à mobiliser la notion de proximité dans la production de sujets de concours nationaux de recrutement de professeur des écoles. Pour terminer, Nour Ben Hammouda et Jean-François Thémines nous proposent trois modèles de représentation de la proximité à partir du cas de l’enseignement élémentaire en Tunisie.
Bonne lecture !
Références bibliographiques :
Lebrun Nicolas, « Proximité », glossaire de Géoconfluences, 2022, https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/proximite
Torre A.,2009. « Retour sur la notion de Proximité Géographique », Géographie, économie, société, 11, 63-75. https://www.cairn.info/revue–2009-1-page-63.htm