Audiovisual media to improve citizen participation process within the framework of land planning projects: experimentation and transferability potential
Maëlle Banton
〉Doctorante en géographie et aménagement
〉Université Paul Valéry Montpellier 3
〉LAGAM – Laboratoire de Géographie et d’Aménagement de Montpellier
〉maelle.banton@univ-montp3.fr 〉
Sylvain Pioch
〉Maître de conférences HDR en géographie
〉Université Paul Valéry Montpellier 3
〉LAGAM – Laboratoire de Géographie et d’Aménagement de Montpellier
〉sylvain.pioch@univ-montp3.fr 〉
Elise Beck
〉Maîtresse de conférences HDR en géographie
〉Université Grenoble Alpes – Sciences Po Grenoble ( School of Political Studies Univ. Grenoble Alpes)
〉UMR CNRS 5194 PACTE
〉elise.beck@univ-grenoble-alpes.fr 〉
Norélia Voiseux
〉Post-doctorante en gestion et management
〉Université Paul Valéry Montpellier 3
〉LAGAM – Laboratoire de Géographie et d’Aménagement de Montpellier
〉norelia.voiseux@univ-montp3.fr 〉
〉Article court 〉
Télécharger l'article. 1-2024 Banton et al.
Mots clés : Participation citoyenne, vidéo, engagement, débat public, aménagement du territoire
Abstract: Improving citizen consultation in land planning is a major current challenge answering to the lack of representativeness, modernization and time consuming processes. This paper is based on an original hybrid participation research, mixing face-to-face formats (participatory workshops, debate forum, etc.) and online debate (numerical platform). In this context, audiovisual media seem to be promising, as they are frequently used in geography and planning to give voice to stakeholders and sensitively transcribe the territory, but also within the framework of participatory processes (documentaries, journalistic formats or films made by the participants). The project presented here aimed at improving citizen commitment and participation within land planning projects. We have thus developed very short video formats presenting different types of scenarios to support the participatory process. The goal is that these tools are easily used by planners and citizens as “video media” to enhance the debate. This article tries to questioning the innovative audiovisual protocols deployed and their potential for transferability to other territories or land planning projects.
Keywords: Citizen participation, video, commitment, public hearing, land planning
Améliorer la concertation citoyenne en aménagement du territoire est un enjeu actuel fort pour répondre au manque de représentativité, de modernisation et de lourdeur des processus (Guihéneuf, 2017 ; Carrel, 2017). C’est l’objectif du projet de recherche-action Agora de l’Aménagement des Territoires Résilients (AATRE) porté par l’Université Paul Valéry Montpellier 3, qui vise à accompagner les territoires en transition en développant des dispositifs de participation hybride, en présentiel (ateliers participatifs, forum débat, etc.) et en numérique sur une plateforme de débats en ligne “e-Debat” (Pioch et al.., 2021). L’audiovisuel semble une piste porteuse utilisée actuellement en géographie et aménagement pour donner la parole aux acteurs et retranscrire de façon sensible le territoire (Raoulx, 2018 ; Asté, Chouraqui, 2021 ; Chenet, 2019) mais aussi dans le cadre de processus participatifs (Germaine, Thomas, 2023), notamment par le biais de documentaires (Gasc, Amiet et Pelletier-Brun, 2021 ; Kühl, 2021 ; Bories, 2018), de formats journalistiques (Corsi, 2020) ou de films réalisés par les participants (Joliet, Chanteloup et Herrmann, 2021 ; Buire C., Garçon L. et Torkaman-Rad, 2019). L’objectif du projet AATRE a été d’améliorer l’engagement et la participation citoyenne en expérimentant une approche complémentaire basée sur différents types de productions audiovisuelles qui soient réplicables et adaptées à une approche hybride de concertation. Nous avons ainsi développé une succession de formats très courts (moins de 3 minutes) présentant différents types de scénarios pour accompagner le processus participatif. L’objectif est que ces vidéos, qui s’inscrivent entre les films de participation et ceux de médiation (Corsi, Buire, 2019), soient facilement employées par les aménageurs et les citoyens comme des “outils vidéos” (Banton et al., 2023).
Cet article se propose de faire un point sur les recherches en cours en questionnant les protocoles audiovisuels déployés et leur potentiel de transférabilité vers d’autres territoires ou projets d’aménagement. Ces expérimentations ont été menées sur deux terrains d’étude du littoral d’Occitanie, distincts tant par leurs thématiques, leurs objectifs que par leur gouvernance : le premier porte sur l’extension d’une aire marine protégée et le second sur les enjeux de submersion et d’érosion côtières d’une commune balnéaire.
Construction et expérimentation de 4 méthodes de productions audiovisuelles
Dans ces travaux de recherche-action, il s’agissait de proposer in fine plusieurs méthodes de productions audiovisuelles “clés en main”. Le but était de tester leur reproductibilité, dans le cadre d’un processus participatif, par tout aménageur ou décideur sans compétences techniques particulières et à faible coût (par exemple en utilisant un smartphone). En outre, il fallait créer des formats courts pour favoriser l’attractivité des vidéos sur un site de débats en ligne par des visionnages rapides, adaptés au format des réseaux sociaux de type “easy-to-use video” (Reed, 2013).
Une réflexion préparatoire a permis de découper le processus en deux temps, avant et pendant la concertation. Quatre “outils vidéos” ont été développés pour s’adapter à la progressivité temporelle de la concertation (fig. 1) : deux préparent les processus avant la concertation en interrogeant, informant et amorçant le débat, les deux autres se déploient pendant la concertation (ateliers, débat numérique, etc.) pour restituer les avancées et relancer le débat.
Figure 1 : Les 4 “outils vidéos” adaptés aux 2 étapes du processus de concertation autour d’un projet d’aménagement (Auteur.es, 2023)
Les deux outils qui précèdent les ateliers de concertation impliquent les habitants-usagers (personnes fréquentant le périmètre du territoire d’étude par une résidence ou une activité). Le premier est la “Carte interactive avec vidéos témoignages”. L’objectif ici est de présenter, avec un enjeu de représentativité, différentes perceptions d’habitants-usagers du territoire en les localisant sur une carte. L’aspect de localisation géographique est primordial pour mettre en lumière les savoirs et les pratiques, car les habitants-usagers apportent leurs témoignages sur un territoire défini qui sert alors de lieu de tournage. La méthodologie est calquée sur celle d’un entretien semi-directif avec grille d’interview et le montage alterne entre des plans de l’interviewé et du lieu. Cet outil a pour objectif d’intervenir comme une mise en commun des différents savoirs et points de vue lors de mises en débat des témoignages, grâce par exemple à des projections-débats ouvertes à tous. Ainsi, le partage des différents savoirs locaux autour de la thématique en débat complète les exposés scientifiques, présentés lors de réunions publiques.
Le deuxième outil proposé est la vidéo “Nuage de mots”. Il s’agit de la transcription en vidéo du graphique “nuage de mots”, dont l’objectif est d’offrir une vue d’ensemble textuelle sur une thématique donnée. La méthodologie consiste à filmer des participants qui doivent exprimer en 3 mots leur vision sur une thématique, puis à proposer un montage mettant en avant les similitudes et différences. Le choix est en outre d’en faire un outil d’interpellation, aussi le montage doit être le plus percutant possible (séquences courtes, cadrage au visage).
Les deux derniers outils sont déployés pendant les ateliers de concertation et impliquent les participants à chaque atelier. La vidéo “Déroulé d’un atelier”, est proche d’un outil de communication classique de projet d’aménagement. L’objectif est d’avoir une transparence de la démarche en présentant de façon synthétique chaque action en présentiel proposée aux habitants-usagers avec ses différents temps et les thématiques abordées. Il s’agit de permettre aux personnes n’ayant pas pu être présentes en présentiel de visionner sur la plateforme en ligne la façon dont les résultats sont produits. Cet outil n’a pas vocation à “déclencher” le débat mais à informer. Pour cela, l’intégralité d’un atelier est filmée pour en proposer un montage synthétique d’une minute environ.
Enfin, le dernier outil, la vidéo “Restitution filmée en 180s.”, a pour objectif de donner directement la parole aux participants à chaque fin d’atelier afin qu’ils synthétisent avec leurs propres mots les points de leurs échanges qu’ils jugent importants à retenir. Il se veut un outil présentant différents points de vue pour pouvoir initier les futurs débats en présentiel, comme en ligne. La mise en scène du tournage est simple : filmer la présentation du représentant du groupe après un exercice préparatoire. L’engagement pris est de laisser l’intégralité de la restitution au montage pour garantir une transparence du discours (les coupures amenées par un montage peuvent être perçues comme un biais), seule la durée de 180 secondes est contrainte lors du tournage.
Transférer les méthodes participatives
L’expérimentation de ces protocoles audiovisuels a permis d’établir plusieurs constats. La reproductibilité de l’outil “Carte interactive avec vidéos témoignages” a été expérimentée et confirmée dans le cadre d’un workshop par des étudiants géographes novices en audiovisuel. C’est aussi le cas des outils “Déroulé d’un atelier” et “Restitution filmée en 180s.”, car leurs protocoles sont faciles à déployer et transférables, comme nous avons pu le tester sur les deux territoires. Bien que concluant, l’outil “Nuage de mots” présente toutefois quant à lui un biais important lié à l’analyse préliminaire au montage (catégorisation des réponses) et les choix de montage en découlant (agencement de ces catégories). Sa reproductibilité demande des compétences d’analyse et de techniques audiovisuelles plus poussées.
Plusieurs durées de vidéos ont été expérimentées. L’optimum semble porter sur 3 minutes, car cela permet d’étayer le discours sans risque de digressions, tout en étant facilement visionnable en ligne. On peut reprocher à ce format court de mobiliser des idées moins nuancées, plus stéréotypées. Cependant, a contrario d’un documentaire où les interviews sont coupées et montées, les vidéos proposées sont intégrales, proposant ainsi à la personne filmée de synthétiser elle-même son discours. Il est légitime néanmoins de se demander si ces vidéos courtes permettent à terme d’aboutir à des consensus, au service des problématiques d’aménagement souvent complexes, ou si elles ne sont qu’un support à la poursuite des discussions.
Les premiers résultats obtenus sur le terrain montrent que les participants expriment volontiers leurs points de vue devant la caméra. Ils ont le sentiment d’être davantage entendus que dans les processus participatifs classiques, du fait de la captation et de la diffusion de leurs avis. Le rôle du chercheur consiste ici à fournir des méthodes de scénarisation (format, cadre, consigne et question d’amorce) veillant à respecter l’objectivité d’un protocole de mise en débat. L’idée est que les participants soient acteurs du contenu qu’ils expriment, dans un cadre et un déroulé méthodologique précis.
Nous avons constaté que ces dispositifs, visant à faire parler les habitants du territoire qui les concerne, semblent renforcer leur proximité à l’échelle locale. Ils semblent aussi réduire la distance sociale entre les citoyens qui participent et les maîtres d’ouvrages qui organisent la concertation de manière volontaire, ou obligatoire, car ces dispositifs constituent des outils de dialogue où la parole est enregistrée dans un cadre apaisé. Le déploiement d’un protocole de suivi-évaluation permettra de mesurer si les productions audiovisuelles représentent ou non un apport pour le public qui participe en présentiel ou via le site de débat en ligne, et s’ils renforcent aussi, même sous format dématérialisé, ces liens de proximité. On peut poser l’hypothèse que ce sentiment de proximité favoriserait l’accroissement de la participation et l’engagement citoyen.
Les premiers résultats de cette recherche-action participative sont encourageants. Ils montrent que les méthodes (script, tournage et montage) semblent bien se répliquer. Nous avons également remarqué que les contextes locaux et/ou politiques influent sur la mise en place et l’efficacité des outils. Le décalage entre la temporalité et les objectifs du maître d’ouvrage avec ceux du chercheur est l’une des principales difficultés rencontrées. Il apparaît donc primordial de bien définir et valider avec le maître d’ouvrage, en amont du processus, les objectifs, le calendrier et la méthodologie de chaque production audiovisuelle qui sera déployée. Définir ce cadre précis peut permettre d’éviter des incompréhensions et de garantir l’accès à la parole pour l’ensemble des participants. Enfin, les travaux en cours visent à tester la transférabilité de ces méthodes dans d’autres contextes de projets d’aménagement.
Références bibliographiques :
Asté M. et Chouraqui F., 2021 « La voie audiovisuelle en sciences sociales. Donner voix par le film, donner corps à la recherche », Pré-actes du colloque FRESH, 27 & 28 mai 2021, pp.30-40 https://colloquefresh.sciencesconf.org/data/pages/PRE_ACTES_FRESH_FINAL_PRINT_1_.pdf
Banton M., Beck E. et Pioch S., « Apport des films de géographie dans la prise de parole des citoyens lors des projets d’aménagement », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 57 | 2023. URL : http://journals.openedition.org/tem/10521
Bories O., « Faire du paysage “un personnage”. Les atouts de la méthode filmique dans la production d’images paysagères », Revue française des méthodes visuelles, n°3, mis en ligne le 5 juillet 2019, URL : http://rfmv.fr/numeros/3/articles/4-faire-du-paysage-un-personnage/
Buire C., Garçon L., Torkaman-Rad E., « Partager la géographie. Regards croisés sur l’audiovisuel participatif », Revue française des méthodes visuelles, 3 | 2019, mis en ligne le 5 juillet 2019, URL : https://rfmv.fr
Carrel M., 2017 « Injonction participative ou empowerment ? Les enjeux de la participation en France », Les Politiques Sociales, 2017/2 (n° 3-4), pp. 79-89. URL : https://www.cairn.info/revue-les-politiques-sociales-2017-2-page-79.html
Chenet M., 2019, « Pour une géographie incarnée et singulière. De la pratique du cinéma documentaire en géographie », Revue française des méthodes visuelles, n°3, mis en ligne le 5 juillet 2019, URL : http://rfmv.fr/numeros/3/articles/6-de-la-pratique-du-cinema-documentaire-en-geographie
Corsi L., 2020, « Réaliser un magazine géographique sur les îles du Ponant : médiations entre recherche, territoires et télévision. » Thèse de géographie, Université de Bretagne occidentale – Brest, ⟨NNT : 2020BRES 0007⟩.
Corsi L. et Buire C., 2019, « Introduction – Géographies audiovisuelles. Des géographes-réalisateur.rice.s entre création, participation et médiation », Revue française des méthodes visuelles, n°3, mis en ligne le 5 juillet 2019, URL : http://rfmv.fr/numeros/3/introduction/
Joliet F., Chanteloup L. et Herrmann T., 2021 « Adolescences et identité en territoire inuit : introspections filmées », Espace populations sociétés, mis en ligne le 21 janvier 2021, URL :http://journals.openedition.org/eps/10986
Gasc G., Amiet E. et Pelletier-Brun D., 2021 « “Terrain d’entente”. Récit d’une expérience de réalisation documentaire à partir d’une enquête sociologique sur les pesticides », Pré-actes du colloque FRESH, 27 & 28 mai 2021, pp.196-212 URL : https://colloquefresh.sciencesconf.org/data/pages/PRE_ACTES_FRESH_FINAL_PRINT_1_.pdf
Germaine M.-A., Thomas O., « Filmer pour rendre compte des émotions. L’exemple de l’arasement des barrages de la Sélune », Revue française des méthodes visuelles, 7 |2023, mis en ligne le 21 juillet 2023, URL : https://rfmv.fr
Guihéneuf P.-Y., 2017, « Garantir la concertation ». Paris, Charles-Léopold Mayer. URL : https://docs.eclm.fr/pdf_livre/221GarantirLaConcertation
Kühl N. 2021, « Interroger les discours et représentations dominantes sur les quartiers dits prioritaires : l’apport d’une recherche-médiation au sein de Rennes Métropole. Approche ethnographique et filmique des relations entre dimensions spatiales et dimensions sociolinguistiques. », thèse en géographie sociale et sociolinguistique. Université Rennes 2, ⟨tel-03429706⟩
Pioch S., Rey Valette H., Hardy P.-Y., Richebourg C., Ollagnon C. & Estival P., 2021, Concertation numérique et aménagement du territoire : un regard critique à l’occasion de la co-construction de l’outil e-Debat, Développement durable et territoires, vol.12, n°3, URL :http://journals.openedition.org/developpementdurable/19683.
Raoulx B., 2018, « Création en cinéma documentaire et recherche en SHS. Retour sur l’expérience du programme FRESH », Revue Française de Méthodes Visuelles, n°2, mis en ligne le 12 juillet 2018, URL : https://rfmv.fr
Reed, J., 2013. Get up to speed with online marketing: How to use websites, blogs, social networking and much more. Pearson, London, 2ème éd., 298 p.
Pour citer cet article :
BANTON Maëlle, PIOCH Sylvain, BECK Elise, VOISEUX Norélia, « L’audiovisuel pour améliorer la participation au processus de concertation citoyenne dans le cadre de projets d’aménagement : expérimentation et potentiel de transférabilité », 1 | 2024 – Recherches-actions participatives, GéoProximitéS, URL : https:// geoproximites.fr/ark:/84480/2024/02/06/ laudiovisuel-pour-ameliorer-la-participation-au-processus-de-concertation-citoyenne-dans-le-cadre-de-projets-damenagement-experimentation-et-potentiel-de-transferabilite/