Tools for conducting participatory action research: the case of natural informal recreation areas (NIRA)
Sylvie Miaux
〉Professeure titulaire, département d’études en loisir, culture et tourisme
〉Laboratoire en loisir et vie communautaire 〉Université du Québec à Trois-Rivières
〉Sylvie.miaux@uqtr.ca 〉
Aurélie Dumont
〉Doctorante
〉Département des sciences de l’environnement
〉Université du Québec à Trois-Rivières
〉auredum24@gmail.com 〉
Julia Frotey
〉Professeure adjointe en aménagement de l’espace
〉Institut National de la Recherche Scientifique (INRS) – Rimouski
〉julia.frotey@inrs.ca 〉
Julie Fortier
〉Professeure agrégée, département d’études en loisir, culture et tourisme
〉Laboratoire en loisir et vie communautaire 〉Université du Québec à Trois-Rivières
〉julie.fortier@uqtr.ca 〉
Valérie Delage
〉Directrice du comité solidarité de Trois-Rivières
〉Membre de l’organisme communautaire des piliers verts
〉valeriedelage@hotmail.com 〉
〉Article court 〉
Télécharger l'article. 1-2024 Miaux et al.
Mots-clés : Recherche-action participative, espaces naturels de loisir informels (ENLI), approches de co-création, objectifs de transférabilité des résultats
Abstract : This study, conducted in Trois-Rivières since 2020, focuses on participatory action research (PAR) and natural informal recreation areas (NIRA) in Quebec. NIRA characterized by spontaneous vegetation in urban areas, are popular recreational spots for their proximity and social/ecological benefits. The research involves both “engaged citizen” researchers and “citizen co-researchers” using a co-creation approach inspired by living labs. Data collection tools include literature reviews, online surveys, artistic co-creation workshops, citizen walks, and thematic workshops. The methodology aims to establish a new research niche on NIRA and integrate them into local communities. The conclusion highlights the methodical nature of the research, transparency in the positions of engaged researchers and citizens, while acknowledging challenges in transferring results to other territories.
Keywords: Participatory Action Research (PAR); Natural Informal Recreation Areas (NIRA); co-creation approach; proximity; challenges of transferring results.
La recherche-action participative (RAP) est au cœur de notre étude depuis 2020, valorisant l’expertise citoyenne. Axée sur les espaces naturels de loisir informels (ENLI) au Québec, notre recherche explore les espaces verts informels, caractérisés par leur végétation spontanée dans les interstices urbains, ils se distinguent des parcs et des jardins traditionnels et leurs usages sont strictement informels (Rupprecht et al., 2015). Les ENLI offrent une nature “sauvage” avec des processus écologiques intacts et une biodiversité riche. À Trois-Rivières (Québec), ces espaces sont des lieux de loisirs et de vie communautaire, prisés pour leur proximité aux habitations, leur potentiel de socialisation en plein air, le bien-être et l’activité physique variée (Miaux et al, 2021). Dans un contexte post-pandémie mondial, l’accès à ces espaces en ville est crucial pour la santé des citadins (Noszczyk et al., 2022 ; Watson et al., 2023). Toutefois, en raison de leur informalité, ces espaces verts sont menacés de disparition. C’est le cas à Trois-Rivières avec des projets immobiliers qui ont suscité la contestation citoyenne, entre 2018 et 2023, suite à l’abattage d’arbres et à la vente potentielles de terrains dans les boisés des Estacades et de la rivière Millette (carte 1).
Carte 1 : Localisation des ENLI étudiés à Trois-Rivières.
Les revendications citoyennes à Trois-Rivières ont mis en lumière des espaces peu étudiés, situés à l’intersection entre l’espace vert informel et le parc urbain, avec des qualités esthétiques, écologiques et sociales spécifiques (Rupprecht et al, 2014). Notre projet adopte une approche de RAP centrée sur les ENLI cartographiés en carte 1, impliquant des citoyens contestataires. Il vise à combler le manque de connaissances sur l’utilisation et la perception de ces espaces, proposant des pistes d’actions de protection. En privilégiant l’approche qualitative, le projet cherche à comprendre les processus, les expériences et les perspectives individuelles des citoyens en relation avec ces espaces.
Cet article présente (1) le processus qui a structuré le projet[1], inspiré des laboratoires vivants (LV); (2) les outils de collecte de données pour faciliter la RAP et les limites de leur reproductibilité dans d’autres contextes de recherche.
1. Un processus issu de la méthode de cocréation des Laboratoires vivants (LV)
La RAP mobilise les citoyens dans une collaboration étroite avec la science pour la collecte étendue de données sur un vaste territoire et une longue durée (Gonzalez-Laporte, 2014). Dans notre approche, les participants (citoyens) sont considérés comme des cochercheurs, pleinement intégrés dans le processus de recherche, dépassant le simple partenariat et soulevant ainsi des questions méthodologiques sur le processus et la position des chercheurs et des citoyens à chacune des étapes. Notre recherche s’est basée sur la méthodologie des LV impliquant les usagers dans un processus innovant pour explorer, cocréer et évaluer des innovations (Ballon et Schuurman, 2015). Dès le début, chercheurs et citoyens ont collaboré activement pour concevoir et mettre en œuvre un processus de recherche structuré en cinq étapes distinctes : problématisation, compréhension, exploration, expérimentation et évaluation (figure 1).
Figure 1 : Processus mobilisé de la RAP.
Ce processus vise à atteindre les objectifs suivants :
▪Développer un nouveau créneau de recherche sur les ENLI;
▪Enraciner les ENLI auprès des milieux communautaires, municipaux, institutionnels.
L’intégration citoyenne en recherche implique l’équivalence entre divers savoirs, de la science aux savoirs d’expérience (Billaud et al., 2017). Pour se faire, les coporteuses (deux chercheuses et deux citoyennes engagées) collaborent dans la méthodologie, les outils (figure 2) et les stratégies de recrutement, favorisant une réflexion continue pour atteindre des objectifs définis en vue de la reproductibilité dans d’autres contextes. Cependant, la complexité réside dans la spécificité des contextes locaux et les dynamiques sociales variables. Cette démarche promeut une collaboration égalitaire, remettant en question les dynamiques traditionnelles de recherche et encourageant l’engagement actif. Cette nouvelle approche de RAP exige une adaptation méthodologique selon les caractéristiques spécifiques de chaque communauté et des espaces naturels informels.
2. Déclinaison des outils et limites associées à leur reproductibilité
Afin d’instaurer une RAP efficiente et démocratique, les chercheuses, les citoyennes engagées et l’équipe de coordination ont élaboré des outils de collecte de données, de partage de connaissances et d’analyse des ENLI. Cette section offre un aperçu succinct des outils déployés, suivi d’une discussion sur les limites identifiées.
Figure 2: Outils déployés pour alimenter le processus de RAP.
- La revue de littérature
Les coporteuses ont collaboré pour définir les thèmes à explorer, prenant en compte les perspectives scientifiques et citoyennes. Chercheurs et citoyens collaborateurs[2] ont participé pour assurer une couverture exhaustive des sujets identifiés dans la revue de littérature, analysant 93 références et dégageant six thèmes sur les ENLI dont la diversité écologique, les bienfaits pour la santé en milieu urbain, plein air et sport, etc.
Cette double implication a approfondi l’exploration de la littérature, enrichissant la compréhension des interactions entre les caractéristiques écologiques, les usages citoyens et les enjeux socio-environnementaux liés à ces espaces.
- Sondage
Les enseignements de la revue de littérature et les observations sur le terrain des ENLI ont guidé la création d’un questionnaire évalué par des chercheurs et des citoyens collaborateurs. Impliquant 470 utilisateurs, ce sondage en ligne a constitué une collecte de données significative. La réussite du sondage a été renforcée par une étroite collaboration avec des organismes citoyens locaux, facilitant la diffusion et la mobilisation des participants. Cette collecte approfondie a abouti à la publication d’un article scientifique soulignant les attraits des ENLI et proposant une définition plus élaborée et nuancée (Watson et al, 2023).
- Atelier de cocréation artistique
L’atelier de cocréation artistique, dirigé par Javier Escamilla, artiste engagé pour la cause environnementale et sociale à Trois-Rivières, était initialement planifié sur les deux sites à l’étude. Chaque site visait à organiser cinq rencontres entre citoyens de tous horizons et chercheurs, pour créer une œuvre collective spécifique à chaque lieu. Dans le cas de la rivière Millette, l’œuvre a été exposée au Musée Pop en avril 2022, puis installée dans le boisé en juin 2023. Elle symbolise une trace tangible d’une création partagée entre les participants et la communauté locale.
Concernant le boisé des Estacades, des contraintes de participation ont conduit à une adaptation méthodologique menant l’atelier dans une classe d’élèves ayant habitude de fréquenter le boisé » Ceci a altéré le caractère spontané et intergénérationnel recherché dans ce genre d’activité. Au-delà des défis de participation, cette adaptation souligne la difficulté d’une reproductibilité stricte, compte tenu des spécificités sociales de chaque site.
Figure 3: Méthode déployée par l’artiste « Chaque toile est un territoire à partager ».
- Les promenades citoyennes : le récit de la marche
Des promenades dans les ENLI ont révélé l’expérience des utilisateurs, le participant guidant le chercheur dans son espace de loisir. Ces expériences, enrichies par des enregistrements audio et vidéo du citoyen (figure 4), fournissent une richesse contextuelle significative, améliorant ainsi la compréhension des nuances propres à chaque espace. La flexibilité inhérente facilite une adaptation aux caractéristiques et préférences des utilisateurs.
Figure 4: Outils mobilisés pour les promenades.
- Ateliers thématiques
Les données issues de la revue de la littérature, du sondage et des promenades ont alimenté la création d’un kit d’animation pour des ateliers thématiques. Ces derniers visent à instaurer une discussion entre citoyens et chercheurs. Trois outils ont été proposés : des cartes aériennes, des photos d’ENLI pour susciter des discussions émotionnelles, et des cartes à jouer pédagogique basées sur des données scientifiques. Ces cartes se concentrent sur des thèmes tels que les données socio-démographiques, les pratiques, le bien-être, etc. (figure 5). Chaque outil est accompagné d’un guide de prise en main à destination des animateurs facilitant la discussion sur les enjeux. L’ensemble des outils a été éprouvé quatre fois au cours de deux ateliers thématiques.
Figure 5: Exemple de cartes à jouer et de photos.
La gamme d’outils proposés offre une souplesse permettant d’ajuster le contenu en fonction des caractéristiques à d’autres zones géographiques, tout en ciblant des thématiques spécifiques selon les besoins locaux. Ainsi, cette diversité garantit une pertinence et une efficacité accrues dans des contextes variés.
Conclusion
Le caractère méthodique de notre recherche, combiné à la transparence des postures assumées par les chercheurs « citoyens-engagés » et les « citoyens cochercheurs », renforce la robustesse de la méthode. Il est essentiel que ces postures soient clairement révélées pour éviter toute ambiguïté potentielle tout au long du processus de recherche.
La proximité émerge comme un élément clé à plusieurs niveaux. Elle revêt une dimension cruciale pour saisir le rôle des ENLI, en plus d’être un élément clé dans la relation entre chercheur et citoyen engagé, et se manifeste sur le terrain en tant que territoire partagé, enrichi par la mutualisation des connaissances et expériences pendant la recherche (Botea et al., 2019).
Cependant, la transférabilité des résultats de cette recherche à d’autres territoires reste à débattre dans la mesure où on ne peut pas faire fi du contexte territorial et de ses spécificités, alors que la transférabilité repose sur ce principe. Éprouvée dans le contexte québécois des ENLI de Trois-Rivières, notre méthode d’investigation est une proposition offerte à la communauté scientifique, destinée à être réappropriée, ajustée et testée sur d’autres terrains.
Bibliographie
Ballon, P. et D. Schuurman (2015), « Living Labs : Concepts, Tools and Cases », Info, vol. 17, no 4.
Billaud, J.-P., Bernard H., et Franck-Dominique V. (2017) « Les recherches participatives : plus de science ou une autre science ? », Natures Sciences Sociétés, 25 (4), 325-326.
Botea, B., Mongeard, L., & Serra, L. (2019). Connaissances par proximité dans la recherche sur la rénovation urbaine. EspacesTemps.net.
Noszczyk, T., Gorzelany, J., Kukulska-Kozieł, A., Hernik, J. (2022). The impact of the COVID-19 pandemic on the importance of urban green spaces to the public. Land Use Policy 113, 105925.
Gonzalez-Laporte C. (2014) Recherche-action participative, collaborative, intervention… Quelles explications? [Rapport de recherche] Labex ITEM. ffhal-01022115f
Rupprecht, C. D., & Byrne, J. A. (2014). Informal urban greenspace: A typology and trilingual systematic review of its role for urban residents and trends in the literature. Urban Forestry & Urban Greening, 13(4), 597-611.
Rupprecht, C. D., Byrne, J. A., Garden, J. G., & Hero, J. M. (2015). Informal urban green space: A trilingual systematic review of its role for biodiversity and trends in the literature. Urban Forestry & Urban Greening, 14(4), 883-908.
Watson, C., Dumont, A., Fortier, J., Miaux, S. (2023). Informal natural greenspaces as places for urban leisure: Perspectives, uses and values from Quebec, Canada. Urban Forestry & Urban Greening 90, 128-135.
[1] Financé par les Fonds de Recherche du Québec (2020).
[2] Neuf chercheurs de différents départements de l’UQTR et deux citoyens impliqués dans ces espaces.
Pour citer cet article :
MIAUX Sylvie, DUMONT Aurélie, FROTEY Julia, FORTIER Julie, DELAGE Valérie, « Des outils pour mener une recherche-action participative : Le cas des espaces naturels de loisir informels (ENLI) », 1 | 2024 – Recherches-actions participatives, GéoProximitéS, URL : https://geoproximites.fr/ ark:/84480/2024/02/07/des-outils-pour-mener-une-recherche-action-participative-le-cas-des-espaces-naturels-de-loisir-informels-enli/
