Compte-rendu d’ouvrage
Nouvelles Proximités, 2024, FYP Editions, 206 pages. Sous la direction de Catherine Gall, Luc Gwiazdzinski, Vincent Kaufmann, André Torre. Avec les contributions de Laurent Begue-Shankland, Didier Chabaud, Matteo Colleoni, Guillaume Drevon, Catherine Gall, Caroline Gallez, Alexandre Grondeau, Michel Grossetti, Luc Gwiazdzinski, Vincent Kaufmann, Carlos Moreno, Claire Pelgrims, André Torre et Chris Younes.
Il était impossible pour nous de passer à côté de l’ouvrage Nouvelles Proximités, tant démarche et temporalités sont comparables à celle de la revue GéoProximitéS. Comme GéoProximités, le projet éditorial s’inscrit dans le prolongement de journées d’études dédiées à la proximité. Là encore, le constat initial est partagé : jamais la question de la proximité n’a eu plus d’importance et de sens qu’aujourd’hui, et il est nécessaire de l’aborder avec un regard pluridisciplinaire tout en reconnaissant ses fondements spatiaux.
Ainsi le cycle de journées Nouvelles Proximités s’est amorcé à la fin de 2021. Les contributions présentes dans l’ouvrage correspondent à des éléments qui y ont été abordés entre 2021 et 2023. Les coordinateurs de l’ouvrage ne nous disent pas comment s’est faite la sélection entre les thèmes abordés, et les auteurs mobilisés dans le cycle de séminaires et les 14 auteurs qui participent à l’ouvrage : noyau dur d’une équipe, cohérence de l’ouvrage, volonté de pluridisciplinarité ? Sans doute un peu tout cela, mais à la limite peu importe tant que le lecteur y trouve son compte.
Le tour de force de la démarche est de rassembler deux « courants » disciplinaires de réflexion autour de la proximité qui jusque-là existaient en parallèle, depuis les années 1990 environ.
- D’un côté des auteurs, issus du champ des Sciences Régionales, qui sont des représentants de ce qu’on appelle « l’école de la Proximité ». Les sciences régionales étant fortement marquées par une dominante économique, la proximité y est avant tout vue comme une forme d’optimisation des interactions spatiales, « organisationnelles » et « géographiques ». C’est notamment André Torre qui dans les années 2000 a exposé de façon claire une typologie de la proximité reposant sur cette bipartition organisationnel/géographique. La Revue d’Economie Régionale & Urbaine y a consacré notamment deux tomes en 2008 et 2018, tentant de faire la synthèse de réflexions collectives.
- D’un autre côté, un certain nombre d’auteurs, notamment sociologues et géographes, qui s’intéressent à la mobilité d’une part, et aux temporalités d’autre part, bref au mouvement, qu’il soit chonologique ou spatial. On pense aux réflexions sur l’accès à la mobilité (la motilité de Kaufmann) ou la chronotopie (Gwiazdzinski, Drevon, etc), qui, combinées, ont permis l’émergence de concepts tels que celui de ville quart d’heure de Moreno.
Si les réflexions ont convergé au début des années 2020 ce n’est pas un hasard. Dans un contexte de mobilité mise à l’épreuve par la crise du Covid, la réflexion sur la proximité est redevenue centrale pour tous, avec des enjeux et des objectifs redessinés. Ce n’est pas un hasard si le chapitre 7, intitulé « Changés par la pandémie » et rédigé par André Torre, revient sur ce tournant.
Voilà pour le contexte, qu’en est-il de la forme ? Disons le clairement cet ouvrage n’est pas un manuel : il n’a pas vocation à faire présenter une synthèse « scolaire » sur la question des proximités. Il est néanmoins simple à lire, ce qui le rend intéressant pour un large public : étudiants, curieux, amateurs plus ou moins avertis, acteurs et politiques confrontés à la mise en œuvre concrète de solutions de proximité.
Il faut davantage y voir un plaidoyer pour une meilleure prise en compte des proximités. Ou plutôt un demi-plaidoyer puisque la couverture nous précise qu’il s’agit d’un tome 1, et par ailleurs nous savons que le cycle des rencontres mensuelles Nouvelles Proximités se poursuit.
Dès lors cela se ressent sur la structure de l’ouvrage. Ainsi les auteurs ont choisi de présenter chaque contribution sous forme d’un chapitre : il y a 12 chapitres, précédés d’une introduction générale et suivi d’une conclusion. Chacun de ces chapitres est lisible indépendamment des autres et à sa cohérence propre. La lecture de ce tome 1 est tout à fait possible sans lire le futur tome 2, même si assurément vous aurez envie de poursuivre sur cette lancée.
Pour autant, on a indubitablement une progression dans l’ouvrage, même si elle n’est pas clairement mise en avant :
- un premier temps (les 5 premiers chapitres, auxquels on aurait presque pu adjoindre le chapitre 7 rédigé par André Torre), temps de réflexions sur le concept même de proximité et sa mise en relation avec un certain nombre d’autres concepts afférents. Le proche (Michel Grossetti), la mobilité (Vincent Kaufmann) et l’immobilité (Matteo Colleoni), le territoire (Carlos Moreno, Didier Chabaud et Catherine Gall), l’accessibilité (Caroline Gallez).
- un second temps, où la proximité est déclinée sous des angles plus spécifiques, par des entrées thématiques. Les déclinaisons thématiques sont variées et novatrices : on parle de proximités vivifiantes(Chris Younès), de proximités animales (Laurent Bègue-Shankland), de proximités et altermétropolisation(Alexandre Grondeau). Notons néanmoins qu’une large part est accordée au lien entre proximités et temporalités, que ce soit pour envisager les modalités de la chronotopie (chapitre 9 par Guillaume Drevon, chapitre 10 par Claire Pelgrims) ou des temporalités particulières (Les proximités nocturnes par Luc Gwiazdzinski)
La conclusion, très courte, n’est à vrai dire qu’une ouverture, qui liste un certain nombre de préconisations théoriques en vue d’une meilleure prise en compte des enjeux de proximité. On suppute que le second tome poursuivra l’exercice.
A vrai dire, plus qu’analyser de nouvelles proximités qui n’existeraient pas avant, l’ouvrage se propose de poser un regard neuf sur le concept de proximité, dans un contexte de transitons, où le proche retrouve ses lettres de noblesse. Il s’agit surtout d’envisager la proximité comme un élément central dans nos choix, et non plus comme la résultante d’un accès à la mobilité dégradée. Assurément l’ouvrage Nouvelles proximités, et ces nouveaux regards sur la proximité, font progresser un débat de plus en plus important dans un monde en transition.
Bonne lecture !
Compte-rendu établi par Nicolas Lebrun, directeur de la revue GéoProximitéS